Nogaro en Metralla
Nogaro en Metralla
Par Jean-Paul Augé
Si vous vous souvenez bien au début de ce blog, vous avez une photo de Camberoque faisant le beau sur sa Metralla à Nogaro.
Comme je trouve qu’il a fait un peu court dans son commentaire, je vous donne quelques détails.
Nous sommes au printemps 71, et il y a quelques temps que Camberoque a changé sa Yamaha 250 YDS3 (dont la soie de vilebrequin a cassé à ras du roulement, côté allumage, lequel, du coup, n’allume plus rien) contre une Bultaco 250 Metralla sur laquelle il a monté le kit racing : bidon long, selle monoplace, commandes reculées, bracelets.
A l’époque on disait « équipée racing », aujourd’hui, on dit « café-racer »….
Tout commence au début d’un de ces longs week-end de printemps.
Je viens à peine d’arriver d’Aix quand il déboule chez mes parents, tout excité : « Tu veux pas venir à Nogaro ? »
Il me parle de je ne sais plus quel copain qui a une monoplace et qui part tourner en essais libres à Nogaro, et qui lui a dit qu’il pouvait venir tourner avec la Bultaco.
Il prévoit de la mettre dans la 4L de sa mère et on y va.
« Ah bon ? la Bul rentre dans la 4L ? » Eh bien, croyez-le ou pas, la réponse est oui, voilà la recette. Prenez une 4L, enlevez la banquette arrière, puis le siège avant du passager que vous installez derrière celui du chauffeur, dans une position finalement assez motocycliste, c’est-à-dire en tandem, un devant, un derrière. Ouvrez le hayon arrière de la 4L, installez une planche pour faire office de rampe de chargement, et présentez la Bultaco en bas de cette rampe. A présent poussez, et, ô merveille, la Bul passe dans l’ouverture, et s’avance jusqu’à ce que sa roue touche le tableau de bord : vous êtes arrivé. En haut, ça passe tout juste, mais sans accrocher, c’est parfait. Et derrière, vous enlevez la planche que vous glissez le long de la Bul, vous rabatez le hayon, et là, second miracle, ça ferme. On peut y aller.
Bon, il reste un peu de place pour charger quelques affaires perso, les casques, et tout le saint frusquin… Mais dès qu’on roule, la Bul menace de basculer vers le chauffeur.
Je la bloque in extremis depuis ma place arrière en étendant la jambe. Ce faisant, j’ai gagné le gros lot: me voilà parti pour plus de 250 km jambe tendue à empêcher la Bul de tomber, et le surlendemain, ce sera pareil pour le retour.
Bonjour l’ankylose ! et l’autre qui dit : « Fais gaffe, tu vas rayer la peinture du cadre ! »… Je le hais, mon copain…
Le reste ? je ne sais plus. Où a-t-on dormi ?
Moi , oui ! On a dormi sous ma vieille tante de camping, sur le circuit et dans les herbes printanières qui m’avaient fichu une putain de crise de rhume des foins ! (note de Charles Camberoque)
Mystère. Mangé ? re-mystère… Mais regardé les voitures tourner sur le circuit en attendant notre tour de tourner avec d’autres moto, ça oui.
Et le moment venu, le cœur battant, à la découverte de la piste , avec des trajectoires façon route nationale, sur la moitié de la largeur de la piste, « Quel abruti je fais… Y a personne en face..».
Et les panneaux de freinage, qu’on attend avec angoisse : « putain, on freine pas avant ? ils sont fous les mecs qui les ont planté ! quelle terreur ! ».
Et ces commandes reculées, si haut perchées, t’as beau sortir la pointe du pied, pas moyen de tâter le bitume pour évaluer l’angle. L’angle ? quel angle ? tu te vois, pauvre cloche ? t’es à l’arrêt…
Bon, la ligne droite, ça je maîtrise. Gaaaz, plat-ventre d’enfer (aujourd’hui, tu peux oublier le mot « plat », mais c’est toujours d’enfer, parce que le bide ça n’a pas servi qu’à faire le beau, ça a aussi servi, et pas qu’un peu, pour le cassoulet…et même ici, à Tahiti, eh oui, mon bon monsieur, il faut ce qu’il faut…), bonjour aux copains dans les stands, et encore un tour, « Ah, ça va mieux, la trajectoire, mais pourquoi j’ai coupé les gaz ? con ! ça passe bien, non ? mais c’est qui ce con qui me passe ? Allez, je le suis. Non, il est fou… La vache ! qu’est-ce qu’il me met ! Sûr il va se mettre au tas. Je comprends vraiment rien…. » Trois petits tours (ou un peu plus), et puis s’en vont… Je me sens un peu ridicule quand je rentre aux stands, mais je m’en fous, j’ai tourné sur un circuit pour la première fois de ma vie. Et ça ira mieux à la prochaine séance, dans une heure
Un moment plus tard, c’est au tour de Camberoque de reprendre la piste. On voit de suite qu’il connaît bien sa Bultaco pour rouler tous les jours ou presque avec. Je vais pas lui cirer les pompes, mais j’ai toujours apprécié son style de pilotage, à en être quasiment jaloux, (sauf qu’on n’a jamais pu trancher la question de se départager faute d’avoir en même temps des bécanes comparables pour aller se tirer une bonne bourre, et aujourd’hui que le hasard fait que nous avons tous les deux exactement la même Yam FJ 1200, on va peut-être pas jouer à tenter le diable, surtout avec des bestiaux pareils…. Mais va savoir…)
Donc il roule sur ce foutu circuit de Nogaro (à l’époque, il n’y avait pas la grande boucle vers le fond, et le tour était assez court). Il nous fait bonjour en passant. On sent bien la part de jubilation.
Ginger Molloy n’est pas loin, vous savez bien, le pilote officiel Bultaco…Regardez bien les photos : on le devine, roulant dans la roue de Camberoque… Comment ça ? vous voyez rien ? Bon, allez, une petite photo pour vous aider à le reconnaître…
Plus tard, dans la voiture, sur le chemin du retour vers Carcassonne, les commentaires iront bon train, tellement qu’on ne verra pas le temps passer, et que j’en oublierai la crampe de ma jambe qui, de nouveau, bloque la Bultaco dans la 4L. « Fais gaffe à la peinture… » Plus tard encore, une autre bécane succèdera à la Bultaco, je crois bien que c’est la Kawa H1. Mais cette Metralla, qu’est-elle devenue ?
En trouver une aujourd’hui, c’est un rêve. Pourtant, pouvoir en aligner une à côté de la Ténor, ça ne serait pas mal, non ? Vous en connaitriez pas une, non ? et en plus, on pourrait vous raconter son histoire à elle aussi…
Quant à ces quelques tours de circuits, ce sont les seuls que j’aie jamais fait de ma vie, alors que Camberoque vous racontera peut-être un jour comment il a poussé le bouchon un cran plus loin, qui plus est sous l’œil de ….?? Qui ça? Vous le saurez en lisant les prochains épisodes, mais le nom en fera frémir plus d’un…
Mais de mon côté, beaucoup plus tard, j’ai compris comment on arrive à gagner du temps sur un itinéraire: pendant 5 ans avec ma FJ, je suis descendu d’Avignon à Aix chaque jour pour aller travailler. Et à chaque tour, pardon à chaque passage, j’ai soigné et amélioré les trajectoires, les freinages, anticipé sur les ondulations du bitume, etc, etc…
Et à 56 ans, l’envie de retourner sur la piste pour vérifier, juste pour savoir, me trotte dans la tête, et je suis sûr que c’est pareil pour Charles…
La 360 Bultaco qui a brillé pendant des courses d’endurance en Espagne dans les années 70
Ci dessus, la couverture d’un livre de Francisco Herreros, sur Bultaco, publié en Castillan et qui doit être particulièrement intéressant, vu qu’il en est à sa 5eme ré édition ! A rechercher absolument lors d’un prochain voyage en Espagne…
Reponse à Mickie:
Je m’apperçois que question cassoulets et bonnes recettes; comme question mécaniques et bonnes bécanes, je suis largement dépassé par notre Mickie qui me fait le fait bien remarquer !
Et de fait, en tapant le nom du célébrissime ancêtre de notre ami, je comprends alors qu’il y a en Mickie des gênes de spécialiste du cassoulet et de la cuisine en général, mais aussi je saisis parfaitement son don pour l’écriture car le Tonton était également un sacré écrivain qui rédigeait non seulement des livres de recettes mais toutes sortes de récits publiés et largement reconnus en son temps. Par ailleurs je savais aussi que dans la famille Dumonteil on a aussi un autre grand descendant écrivain et joyeux drille bien connu…mais là, par discrétion, je laisse Mickie faire les révélations qu’il souhaitera…
Alors comme ça, pour faire du remplissage de pages, on va chercher les talents culinaires de ses aïeux? C’est du joli! Surtout que ça ne te donne pas un avantage définitif, tape donc le nom de mon arrière-grand-oncle, Fulbert Dumonteil, sur Google…