Une histoire de casques
Une histoire de casques
Par Jean-Paul AUGE
En complément de cet article vous pouvez aller lire un autre article sur un : Collectionneur d’histoires de casque
Au fil des pages de ce blog, vous avez pu voir quelques photos sur lesquelles, Camberoque au guidon de ses diverses bécanes des années 60-70, arbore un casque de type « bol » habilement décoré, plus ou moins dans le genre des casques personnalisés portés à cette époque en compétition par des pilotes qui, étant tous vêtus de combinaisons de cuir noir, ne se différenciaient les uns des autres que par le motif du casque.
Pour les plus jeunes de nos lecteurs, la référence en matière de casque motocycliste, c’était le bol « Cromwell », celui que portaient les pilotes de Grand Prix, en tête desquels le grand Mike « the Bike » Hailwood, mais aussi tous les autres, Read, Agostini, Findlay, etc…
Et comme on le voit sur les images, le motocycliste se devait d’avoir des lunettes Climax, à verres bombés ou à pans coupés, ou encore les classiques Baruffaldi italiennes (il semble que sur la photo Camberoque porte des Climax 521).
Rares étaient ceux qui portaient des casques de type aviation, ce qu’on appelle aujourd »hui un Jet. Et on n’avait jamais vu d’intégral jusque là, pas même en F1 automobile. Donc, tout le monde ou presque portait le bol. On ne va pas discuter sur la maigre protection offerte par ce type de casque, sinon pour rappeler que, dès son apparition, vers 1970, l’intégral a rencontré un succès certain auprès des motards, et qu’aujourd’hui, plus personne n’envisage sérieusement de rouler avec un bol autrement que pour faire du folklore. Raison de plus pour conserver pieusement non seulement les vieilles photos, mais aussi ces vieux casques, remisés dans un coin, à la fois comme témoins, vestiges, reliques, mais encore comme accessoires à ressortir lors de manifestations de motos anciennes. Mais je m’éloigne de mon propos…quoique…
Je reviens au casque de Camberoque et à sa superbe décoration. Je dis « superbe » avec un rien de forfanterie, car, ma modestie dut-elle en souffrir, je confesse tout de suite être l’auteur de ce barbouillage inspiré, constitué d’un motif plus ou moins classique, comme on en voyait pas mal sur les Cromwell de l’époque, complété en son centre d’une croix du Languedoc, le tout aux couleurs traditionnelles, croix or sur fond rouge à liseré or (l’inverse d’Hailwood, dont le motif était or à liseré rouge)
Là, les lunettes seraient plutôt des Climax 513
Mais la première étape avait été de se procurer un de ces casques, ce qui fut le début d’un épisode dont peu se souviennent encore. Allez, je vous raconte….
Fin des années 60, il ne fallait pas espérer trouver un Cromwell à Carcassonne, où ne subsistaient guère que des marchands de cyclomoteurs 50cc, machines pour lesquelles le port du casque n’était pas exigé alors. De ce fait, autant dire que le marché du casque était quasi nul. Faute de quoi, et je ne sais plus dans quelles circonstances, j’avais réussi à récupérer un vieux Bayard d’une couleur vaguement beigeasse, mal ajusté, et donc la coiffe laissait passer un courant d’air terrible.. Mais, c’est bien connu, qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse
Aujourd’hui, un Bayard est devenu une pièce de collection, comme celui de la photo ci-contre où l’on voit bien l’espèce de bourrelet en cuir qui entourait toute la coiffe. Et on devine la découpe un peu particulière du bord de cette même coiffe. Le tout donnait à ce casque sa silhoutette caractéristique que nous jugions insupportable, au point d’être tout bonnement importable tout court…
A propos de bourrelet en cuir, je ne résiste pas au plaisir de vous montrer l’allure, qui nous paraît désormais plutôt sympathique, d’un autre de ces casques d’il y a plus de 50 ans. La gentille dame qui a bien voulu patienter que je prenne la photo l’autre dimanche à Sommières, l’utilise pour rouler en… VéloSolex….Et finalement, …..
Donc, foin du Bayard, et pas de Cromwell en vue. Que faire ? Et c’est là que ça devient amusant…
Car si vous avez l’œil, vous devez bien vous rendre compte que la silhouette du casque de Camberoque n’est pas tout-à-fait celle du Cromwell. En fait il s’agit de la copie française du Cromwell, réalisée à Clermont-Ferrand par la maison Altus, spécialiste des articles en polyester, casques, donc, mais aussi carénages, et autres pièces de carrosserie de moto.
Le casque Altus ne reprenait pas complètement la forme quasi hémisphérique du Cromwell, il avait sa silhouette à lui, légèrement plus haute. Et je crois me souvenir qu’il étaitfinancièrement plus abordable. Mais lui non plus ne risquait pas de pouvoir se trouver dans le commerce à Carcassonne. Alors d’où sortait le casque de Camberoque?
Pub d’époque pour Motor Cycle News - Suivi du Cromwell de Mickie (Photo Mickie)
Hé bien, c’est à cette époque-là que venait d’arriver à Carcassonne, ce motard à la 450 Honda, dont on vous a déjà raconté quelques exploits (dont le fameux passage nocturne en échappement libre devant le commissariat de police….). Lui-même utilisateur d’un Altus dont il nous avait vanté les mérites, il s’était gentiment proposé de nous en procurer, par le biais de ses anciennes relations clermontoises, à un prix « direct usine », et sans avoir besoin de courir désespérément les boutiques à Toulouse ou Montpellier. On avait donc cassé nos tire-lires, et je me souviens avoir reçu peu après un de ces casques tant convoité, mais… tout blanc. Aussi blanc que si je m’étais retourné un pot de chambre en faïence blanche sur la tête. Hors de question de rouler avec un truc pareil ! ! ! Mais j’avais eu le temps de réfléchir à la question, et je m’étais aussitôt lancé dans la décoration de mon casque. Le dessin qui suit illustre à peu près ce que j’avais réalisé, et dont j’étais relativement satisfait. Vous verrez plus loin pourquoi un dessin et non pas une photo.
En pleine mouvance post-soixhantuitarde (nous sommes plus ou moins en été 1969), l’Occitanie libre avait le vent en poupe, et la croix du Languedoc nous semblait être la seule emblème digne d’être arborée…
Une fois mes travaux de peinture achevés, il ne me restait plus qu’à aller m’aligner fièrement au départ du fameux « Grand Prix des Boulevards », lorsque j’ai vu rappliquer notre copain fournisseur qui m’a demandé si je pouvais lui rendre le casque, bien sûr contre remboursement, pour une raison que je n’ai jamais bien comprise. S’agissait-il d’un problème de fabrication justifiant le retour en usine, ou bien d’une affaire de marchandises sorties d’usine dans des conditions un peu imprécises (à Marseille, il paraient qu’ils disent : « tombé du camion à la sortie du port… »), je n’en ai jamais rien su, et de toutes façons, il y a prescription. Mais j’ai vu repartir mon beau casque tout neuf, à peine décoré.
Et je crois bien que les quelques copains qui en avait acheté ont dû faire de même, Camberoque y compris. Mais ce n’était que partie remise, et quelques semaines plus tard, nous avons pu bénéficier d’un nouvel arrivage, cette fois-ci garanti sans problème, moyennant, je crois, un léger surcoût. Et cette fois, mon nouveau casque était non plus blanc, mais d’un gris métallisé plus sympa, et dont le bas de la calotte était garni d’un adhésif noir sur tout le tour. Pour autant, ça ne dispensait pas de vouloir personnaliser l’objet, et me revoilà, muni de mes petits pots de peinture, et des petits caches adhésifs que j’avais patiemment confectionné, en train de meubler mon temps libre à jouer du pinceau. J’avais un peu évolué dans le projet, et voici le résultat, cette fois-ci en photo.
Photos JP Augé Octobre 2008, c’est du tout frais, car je l’ai toujours….
Et tant que j’y étais j’ai décoré aussi celui de mon copain Camberoque. Un comble pour le fils d’un grand peintre (cf l »autre blog jeancamberoque.unblog.fr et, tant que nous y sommes, allez voir aussi : http://www.camberoque.net)
Nous avions fière allure lorsque nous partions en ballade, avec nos deux casques assortis, dûment complétés par des lunettes Climax à pans coupés achetées à Montpellier.
Que ce soit ensemble ou séparément, nous avons roulé pas mal de temps avec ces casques. Sur les photos de l’épisode de l’école de Pilotage de Tony Smith, on voit que Camberoque arbore le sien au milieu d’autres pilotes qui roulent en casque intégral. Pour ma part, je me souviens de mon premier intégral, un Nolan, acheté en 1977-78. C’est dire…
L’histoire a connu un petit épilogue un peu inattendu, au printemps 1972, quand je me suis retrouvé à Charade avec mon copain Gadz’Arts, Dino qui courait à l’époque en Critérium des Sports avec sa Honda 750 Four. J’avais naturellement mon casque avec moi, et tout d’un coup, en regardant distraitement les gens qui étaient là, j’ai eu la surprise de voir au milieu de la foule, au bout du bras du type qui marchait à quelques mêtres devant moi, un casque blanc avec un motif que je ne connaissais que trop bien. Son casque, c’était mon tout premier Altus, avec sa décoration, MA décoration, intacte. J’ai abordé le gars, en lui montrant mon propre casque, à sa grande surprise. Je lui ai raconté l’histoire, qui l’a intéressé vivement, et demandé comment il avait eu ce casque. Le gars était de Clermont, et je ne me rappelle plus trop ce qu’il m’a raconté sur les conditions dans lesquelles il avait pu acheter ce casque (cétait il y a 35 ans, déjà) ? Mais le gars semblait assez fier de cette décoration originale que pas mal de copains lui enviaient, et dont il connaissait maintenant l’origine et l’explication.
Et quelques temps plus tard, je retrouverai une dernière fois ce casque, en photo, dans l’un des principaux hebdos de l’époque (Moto-Revue ou Moto-Journal), cette fois, à l’occasion d’un reportage sur un trial en Auvergne. En bordure de zone, dans le public, on voit quelqu’un, sûrement le même bonhomme, qui a mon casque à la main. Qui sait s’il lira ces lignes ?…. Salut, camarade…
Depuis, le Cromwell a bien évolué. Même Mike the Bike himself avait abandonné le bol au profit de l’intégral. Et de nos jours, si vous décidez d’ acheter un Mike Hailwood Repliqua Helmet, ce ne sera plus un Cromwell : voilà ce que vous aurez…. La nostalgie n’est plus ce qu’elle était…
Et vu l’allure de l’objet, vous aurez peut-être un peu de mal à vous identifier à l’artiste, définitivement immortalisé par Fançois Beau en 1968, après que l’usine Honda ait quitté la scène des GP et que le grand Mike bénéficiait encore des machines d’usine qu’il pouvait engager où il voulait. Du coup son casque a arboré quelques temps un graphisme un peu particulier que nous avions adoré, mais dont je n’ai pas de meilleure photo pour l’instant.
Donc, aujourd’hui, Camberoque et moi avons toujours nos casques Altus. Les garnitures se sont un peu tassées, et le cuir a un peu séché, ce qui l’a fragilisé. Et où sont passées les Climax ?
En plus Camberoque a chez lui un autre « bol » qui arbore une déco comparable, et dont il pensait que j’étais l’auteur, mais il n’en est rien. On se perd en conjectures sur l’artiste inconnu…
Mais promis, quand nos Terrot seront prêtes à rouler, on vous fera une belle photo, et vous verrez si ça ne va pas vous rappeler encore bien des choses….
A vous tirer les larmes.
En complément de cet article vous pouvez aller lire un autre article sur un :
Collectionneur d’histoires de casque
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Bonjour à vous,
Merci pour ces quelques lectures plus que sympathiques sur le thème des casques.
Il se trouve que je partage la meme passion que vous, je suis comme on me dit souvent « collectionneur d’histoire de casques ».
Depuis quelques années, apres avoir passé un bon moment dans les ateliers de maroquinnerie, je me suis pris de passion pour la restauration de casques ‘bols’ entres autres Cromwell, Ranger’s et Altus.
J’ai eu l’occasion de restaurer des casques de pilotes tel que louis Delmotte pilote moto des années 20 – 30 et encore d’autres, moins connus.
Si vous souhaitez que nous soyons en contact, n’hésitez pas a me retrouvez sur ma page Facebook » caféleather jean luc »
Encore bravo pour vos images et vos textes
Bien amicalement
Jean luc