La moto au Maroc: c’est Melhaoui !
La moto au Maroc: c’est Melhaoui !
Par Charles Camberoque
Photographies © Collection Kouider Melhaoui DR
Dés les années 60 et pendant plusieurs décennies : Au Maroc !
La Moto ?
Mais… c’est Melhaoui !!!
C’est vous dire…
Haj Mohamed Melhaoui devant son magasin de Casa avec trois de ses pilotes dont Kouider son fils, au milieu.
Mohamed Melhaoui concessionnaire Honda et Yamaha
A Casablanca, la famille Melhaoui et leur concession Honda /Yamaha … était tellement connue, sur le Boulevard de la Liberté, que cette artère commerçante n’était plus nommé par son vrai nom, mais tout simplement : Chez Melhaoui !
Et même par extension tous les habitants de Casa préféraient appeler l’ensemble de ce quartier de cette façon. Ce qui n’était pas évident pour ceux qui ne connaissaient que le nom officiel.
Haj Mohamed Melhaoui
Actuellement il est question que le nom de Haj Mohamed Melhaoui soit officiellement donné à cet axe important car, en plus d’un amoureux de la moto, d’un pilote, d’un sportif, d’un industriel et le plus gros négociant en motos, karting, bicyclettes triporteurs et tricycles du Royaume : Mohamed Melhaoui, fut aussi une forte personnalité du Monde Marocain, un bienfaiteur et également un très grand résistant.
Remise de prix et coupes dans le magasin qui s’étalait sur 1500 metres carrés et sur deux niveaux. Au plafond sont accrochés des tricycles,histoire de familiariser le plus tôt possible les petits enfants avec 2/3 roues.
L’histoire de Haj Mohamed Melhaoui est l’épopée d’un homme débordant d’énergie qui malheureusement c’est aujourd’hui éteint dans sa Grande Mosquée qu’il avait construite à Oujda sa ville natale.
Disparu après plus de 90 ans d’activités autour des sports mécaniques, il a été le premier président de la Fédération Royale Marocaine de Motocyclette. Puis, Président de la Fédération Automobile et des Clubs Moto de Casablanca. Il s’est dépensé sans conter pour la promotion de la moto par le biais de l’organisation de courses, après avoir été lui-même un coureur de Rallyes, sur une 500 Norton qui lui avait laissé une jambe raide après un grave accident de course.
Importateur de motos et cycles depuis 1935 jusqu’à 1999, il vendait des Kreideler des Ducati, des des Zundapp des Bultaco des Derbi d’abord à Oujda puis à Casablanca où il installe une usine de montage de Flandria toute importée de Belgique.
Puis se seront les Honda et Yamaha sans oublier les Husqvarna.
De 1961 et jusqu’à 1967, Mohamed Melhaoui, en plus de son activité d’importateur, s’était lancé dans l’organisation de Grand Prix de vitesse.
Des pilotes venaient d’Algérie et de l’Europe entière. On peut noter entre autres les noms des français : Hordelalay, les frères Maingret, Bourgeois, Appieto tous sur des Ducati, Bultaco, Aermacchi, Norton, Kreideler, Mondial, Derbi, Montessa, Morini, Zundapp.
Christian Heckmann courait en 500, il nous envoie cette photo, ci dessous, ou on peut le voir la veille d’une course à Casa en 1968, à gauche de la photo, assis sur sa moto, celle qui n’a pas encore de N°.
Mohamed Melhaoui est au centre en chemise blanche, comme à son habitude.
Les pilotes de gauche à droite sont : André-Luc Appieto, Christian Heckmann, Moser, Moulé Ali et René Guili.
Les premières Honda et de rares Kawa apparaissent. De nombreux pilotes Algériens viennent déjà avec des Yamaha.
Les pilotes Français, premiers arrivés pour le GP de Casa de 1968, devant la boutique Melahoui.
Plusieurs grands champions internationaux venaient et ont laissé un grand souvenir, comme Jarno Saarinen, Pasolini, et même Mike Hailwood qui aura été présent en 1967 pour le plus grand bonheur d’un des fils Melhaoui : Abdelkader qui ainsi attrapera le virus de la moto.
Kouider Melhaoui à 10 ans, sur une Puch (1961)
Son père, bien entendu, l’aidera alors à courir autant en vitesse qu’en moto-cross ou il excellera indifféremment dans l’une et l’autre catégorie.
Les débuts en course de Kouider Melhaoui, encore bien petit! Il franchit la ligne d’arrivée devant son père qui l’encourage, à droite de la photo.
Abdelkader Melaoui qu’on appelle Kouider, ou encore Kiki tout simplement, un diminutif affectueux, se rappelle cette période : « inoubliable ou les courses prenaient de plus en plus d’ampleur. Les plateaux et les engagés affluaient, les tribunes étaient pleines à craquer ; les courses défilaient à Marrakech, Agadir, El Jadida, Kénitra, Casa, Rabat, Meknès, Oujda, Nador… nos pilotes, Danowsky, Lopez, Felices et moi même, étions invités à Jérez en Espagne et à Blida en Algérie… »
Kouider Melhaoui, après une victoire en moto-cross dans les années 70 et de nos jours, de passage à Montpellier.
Kouider nostalgique se souvient et ajoute : « l’huile qui brûle, le bruit des motos, l’odeur de la graisse tout cela j’y ai grandi dedans. Je distribuais même des prospectus de moto. J’ai donc reçu tout ça à un age très, très tendre… »
Kouider Melhaoui pilote de vitesse
Kouider sur le circuit urbain de la Corniche à Casablanca.
Kouider se montre rapidement doué en vitesse sur un 50 cc Zundapp avec lequel il va courir pour la première fois, le 16 avril 1968 à Marrakech. Il va surprendre tous les autres coureurs chevronnés en faisant 14 tours en tête pour casser dans le dernier tour devant son père qui l’attendait fièrement, puis dépité avec le drapeau à damier en main !
La première coupe de Kouider sera celle du pilote le plus malchanceux dont il parle encore avec humour et un grand amusement.
Kouider va échanger rapidement le Zundapp pour un rapide Kreideler équipé d’un kit d’usine.
Melhaoui finira tout de même sa première saison de course à la place de 4 ème au Championnat du Maroc 1968 !
Les compétitions en 50 cc, appelées courses de cyclos, étaient très populaires et organisées à toutes sortes d’occasions et de fêtes. Assurément elles devaient promouvoir ce type de transport moderne jeune et pas trop onéreux.
« Kreideler: La marque des jeunes qui ne trahit pas son pilote »nous dit la réclame des annés 70.
Tandis que Kouider reçoit une coupe des mains de son Père
Deuxième en 1969 pour sa seconde année de compétitions, Kouider Melhaoui sera sacré Champion de vitesse 50cc du Maroc, pour les années 1970, 1971,1972, devenant une Star de la moto Marocaine car il menait en même temps une carrière tout aussi victorieuse en moto-cross.
De 1969 à 1973 Kouider va courir en vitesse et en moto-cross en même temps, mais également en voiture, en formule IV.
Il va gagner en courses 178 coupes. Assurément, un grand champion !
Au départ de la course des 50 cc du IV ème Grand Prix du Circuit de la Corniche à Casablanc, Kouider porte le N° 7.
Kouider Melhaoui participera à plusieurs reprises à des courses internationales en Espagne.
Il se souvient précisément qu’à Jerez il retrouvait toujours en 50 cc l’immense Champion du Monde : Angel Nieto qui, bien entendu, était un pilote d’usine, alors chez Derbi.
Angel Nieto au premier plan et Kouider en second ligne juste derrière la Debi et avec la moto n°4
En 1971, Kouider fera plusieurs tours devant Nieto, pour se faire doubler par Angel qui finira par le passer, « comme un avion »! Puis Melhaoui se maintiendra derrière les trois machines d’usine jusqu’à ce qu’il casse hélas sa boîte à vitesse, en fin de course.
Magnifique photo de l’attente sur la ligne de départ.
On est bien à Jerez en 1971, car sur les poteaux en arrière plan on peut voir les pubs avec la silhouette à la guitare et au chapeau andalous du Tio Pépé, emblème du vin de Jérez.
Au premier plan, Angel Nieto très populaire sur son Derbi d’usine salue la foule. Tous les regards admiratifs vont vers lui.
Kouider Melhaoui prêt au départ, se tient sur la deuxième ligne avec la moto n°20.
Voilà une image merveilleuse qui doit remuer de bien grands souvenirs pour Kouider et je suis tout admiratif pour sa magnifique carrière de coureur qui a piloté luttant contre les plus prestigieux et plus grands pilotes du siècle dernier.
Kouider Melhaoui pilote de moto-cross
Il y avait au Maroc dans ces années 60, deux courses de vitesses par mois et autant de courses de moto-cross, ce qui a poussé notre ami Kouider débordant d’enthousiasme et de passion pour les deux roues, à se mettre également au tout terrain.
Une des première course de Kouider, en Algérie en petite cylindrée sur un 50 Atala.
En 1971, course à Bouskoura, 3 manches 3 victoires pour Kouider ! Et personne n’a oublié l’auberge chez Gigi de Bouskoura !
Puis toujours gagnant, au lac de Sidi Bougharaba, face des pilotes Américains.
Rapidement Kouider adopte en 1973 et avec succès une Bultaco en 250.
Sur la photo ci dessus on le voit franchir la ligne d’arrivée, les suspensions tassées après un grand saut.
Toujours à la recherche de bécane performante Kouider se met à courir sur une Husqvarna. Et pour une efficacité optimale il ira même chercher un moteur à l’usine, en Suède.
Au Cross de l’Indépendance sur la Husky dans les carrières des Zénatas
Et ce ne devait pas être facile tout de même, pour un pilote plus taillé pour les 50 centimètres-cubes que pour le moto-cross ! Surtout, face à ces géants, colosses Américains de la base militaire de Kénitra, super équipés, et qui se faisaient apporter leurs motos des Etats-Unis par les avions de l’armée US.
Podium en vainqueur pour Kouider… face à un colosse impressionnant !
Kouider Melhaoui en démonstration sur un parking de Casablanca pour effectuer le « saut de la mort ».
Toute une époque et une atmosphère est résumée dans cette photo.
En France c’était le temps de Jean Sunny, des Simca Versailles et de ses dérapages et acrobaties dans ces voitures dont ma génération se souvient encore.
Kouider Melhaoui pilote automobile
Tandis que Mohamed Melhaoui, le Papa, construisait une petite voiture populaire au Maroc, « la Mini Melhaoui », dont tout les Marocains ont gardé le souvenir…
… Kouider, le fils, pilotait en course une machine de formule IV, une Tecno Ducati 250.
Il connaîtra avec cette machine de belles joies et des victoires à son volant toujours sur des circuits urbains dans plusieurs villes Marocaines. Et il faut croire que cette formule alors populaire devait offrir aux pilotes d’intéressantes sensations en courses.
Toujours sur des circuits urbains ou les moteurs de petites cylindrée et les engins maniables tout à fait adaptés aux tourniquets, permettaient de belles courses et de jolies victoires appréciées par un public curieux et nombreux.
Dans les années 70 Kouider terminera sa carrière de pilote moto et auto en participant aux célèbres Raids Orion, mais ses genoux le font bien souffrir suite à toutes ses chutes et aventures sur les circuits de vitesse et moto-cross du Maroc.
Au total Kouider Melhaoui aura été 8 fois Champion du Maroc de Vitesse, d’abord en moto 50 centimètres cubes,
puis 3 fois Champion du Maroc dans les trois catégories en Moto-Cross : 50cc, 125cc, 250cc.
La presse Marocaine l’appelait fort justement : L’As des deux roue
La jeunne génération des Melhaoui est en marche
Mehdi le fils de Kouider et ses sœurs sur leurs premières motos des Ital-Jets et des 80cc Piwi Yamaha.
Depuis ils sont passes au quad et Mehdi s’est essayé à l’Enduro.
L’entreprise du Grand Père a fermé car les machines japonaises sont devenues très sophistiquées et beaucoup plus coûteuses que dans les années 70. Mal adaptées au marché Marocain, elles se vendaient mal et ont atteint des prix trop élevés pour une économie difficile, au Maroc… comme partout.
Les productions Chinoises finissent par les remplacer mais comme le dit Kouider , c’est pas pareil !
Les fabriques européennes se sont fait concurrencer par les Japonais et maintenant, en Afrique les Japonais se font damer le pion par les Chinois.
C’est la vie…
Mehdi Melhaoui plasticien
Mehdi, le petit fils de Mohamed, est devenu un jeune artiste plasticien.
Il pratique la sculpture et réalise des photographies avec autant de talent et d’énergie que son père et son grand père en ont eu pour les sports mécaniques.
Dans ses sculptures on retrouve un univers ou la mécanique est présente, des coques et navires de métal, des machineries maritimes, la mer, des bateaux échoués et en lévitation dans des déserts imaginaires… poésie des formes, pureté des lignes…
Mais je me suis laissé dire qu’il a en projet un nouveau volume d’acier et de métal qui serait directement en hommage à la motocyclette.
Nous l’attendrons impatiemment…
Mehdi Melhaoui a gagné avec une de ses photographies le prix du concours organisé par la grande revue européenne: Géo Magasine.
Et récemment un grand Musée lui a commandé la sculpture que vous pouvez voir sur la photo ci dessous, c’est dire son talent !
C’est comme cela que j’ai connu Mehdi à Montpellier.
Puis il m’a présenté à son père Kouider et tous deux m’ont raconté l’histoire de leur famille de motards. Et je suis fier de les avoir rencontré et d’avoir connu un pilote qui a un si beau palmarès et qui s’est aligné dans des courses contre le mythique Angel Nieto…
… un vrai plaisir pour moi de témoigner de cette véritable et importante tranche de vie de la moto au Maroc…
J’ignorais qu’il y avait une aussi importante activité motocycliste dans les pays du Magreb dans ces années là et je me demande pourquoi la presse moto qui relate tantôt les exploits des pilotes Européens en Afrique, ne nous parle quasiment jamais de la pratique de la moto de ce côté là de la Méditerranée, des courses et des pilotes locaux qui sont pourtant nos voisins d’en face !
A bientôt pour d’autres histoires motocyclistes…
Pour un complément d’informations sur la Moto au Maroc après guerre, Daniel Dupont, sur son site magnifique « Histoire de la moto » présente la « Moto au Maroc, années 50 » .
Louis Granon y présente sa collection des très belles photos de cette époque et y raconte la carrière de son père Paul Granon, dans le milieu du sport moto à Casablanca dans les années 1945/1950.
Paul Granon a été pilote, puis à la suite d’un grave accident de moto, mécano et enfin Trésorier Général du Moto-Club-Marocain pendant plusieurs années, jusqu’à son décès en 1959.
Ne manquez pas une visite à :
http://www.moto-histo.com/frames.htm
Un autre lecteur, Christian Topenot, nous envoie une copie d’un extrait de presse de l’époque.
Christian nous dit : » Je viens de retrouver un article de journal de casa : sur le moto-cross en 71″
Merci Christian !
Oui je pense bien que c’est lui. Moi je ne l’ai pas connu. Je ne suis jamais allé au Maroc !!!
Bonjour, si ce blog est encore visité. Ma mère faisait partie des amis de Peter Danowski. Il avait une fiancée Marie Christine à l’époque. Il y avait aussi André Benitah, devenu créateur de bijoux. C’est bien Peter le grand gaillard sur le podium ?
Louzan Hamzaje me souviens très bien de ton père j’avais acheté deux zundapp chez crovara un bleu qui marchait très bien mais ensuite un zundapp ks 50 rouge que ton père m’avait choisi parmi une cinquantaine de zundapp il m’avait dit prend celui la après avoir fait tourné les roues avant et ce zundapp était le plus rapide de Casablanca il battait tous les 50 sur la ligne droite de sijilmassa seul pyard avec son zundapp de course l »avait battu il était d’origine et prenait 115 km… une bombe c etait fin 1971 bonjour a ton père