Lucien Campet et ses motos de cross
Par Charles Camberoque
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Triste nouvelle
Lucien Campet vient de nous quitter aujourd’hui à l’âge de 77 ans.
Toutes mes condoléances à sa famille …
et à celle de la moto, dans laquelle Lucien était très admiré et apprécié.
Il était une fois, à Badens, dans l’Aude, un forgeron qui s’appelait Joseph et qui aimait les motos.
Il avait participé à l’extraordinaire aventure des courses de vitesse de Salvaza dans les années 30.
En ce temps là, Joseph était l’ami de Georges Soubie, le vainqueur en 500cc du dernier Grand Prix de Carcassonne 1935.
Soubie, originaire de l’Aude, avait ouvert un magasin de motos à Toulouse et il venait souvent voir son copain Joseph Campet et son jeune fils Lucien. Et le petit Lulu qui a grandi depuis, se souvient bien de ces années 50 et de l’impressionnant Georges Soubie qui arrivait sur une 1000 Vincent attelée à un side.
C’est dire que la passion pour la moto dans la famille Campet ne date pas d’hier ! Et on comprend ainsi que Joseph ait encouragé son fils Lucien en l’aidant à courir et à préparer voire, presque de construire ses premières moto de cross.
« En 500, il y avait déjà des motos presque prêtes, mais en 250 il n’y avait rien, il fallait se les bricoler. Et pour pouvoir courir en 500… il fallait s’aligner en 250 ! » se souvient Lucien Campet.
Laure Minervois
Lucien se rappelle des nuits blanches passées avec son père. Ils avaient reçu les pièces de la Métisse en vrac et il fallait assembler la machine.
« On montait ce qu’il y avait de mieux et on se planquait pour bricoler tout ça dans ma chambre car on ne voulait pas que cela se sache »
Un beau jour où plutôt une nuit, ils n’avaient pas dormi depuis le vendredi et à l’aube du dimanche, vers 5 heures du matin comme Lucien était épuisé il décidait d’aller se coucher.
« Mon père dit alors : Avant d’aller roupiller vient boire un café avec moi…
On l’a bu… et vers 8h du matin la moto était finie.
A 8 heures et quart, on la faisait péter !…
…A 10 heures on était à St Tibery pour l’essayer».
Nissan les Ensérunes
Les motos de Lucien Campet Coureur
A ses débuts Lucien chevauche 2 machines, des 500 BSA Gold Star DBD qu’il utilisera successivement dès 1959.
Puis une Métisse Matchles Rickman avec laquelle il connaîtra un terrible accident.
Lucien pilotera également une 250 Montessa pendant une saison avec laquelle il aime à dire qu’il y avait incompatibilité.
En 1968: A Gauche en noir Joseph Campet, puis Lucien sur sa Montesa et à droite André Hébraud. Au centre en blanc le petit enfant est devenu l’actuel président de la Cave Coopérative de Laure.
Puis il passera chez la concurrence en choisissant une 360 Bultaco.
Gageons que l’ami Franck Lucas n’y était pas pour rien.
Ce qui n’empêchera pas Lucien à revenir l’année d’après en 500 sur une Rickman Victor Weslake.
Laure Minervois 1972
« J’ai finalement pris ma retraite sur une autre 360 Bultaco » dit Campet.
C’est celle, ci dessus, sur laquelle je l’ai photographié à Laure Minervois en 1972.
Enfin, maintenant comme retraité, il se pose un peu là ! Car à 67 ans Lulu continue de plus belle en restaurant les motos mythiques sur lesquelles il a couru.
L’aspect économique
En regardant de vieilles photos, Lucien trouve un devis ou l’on peut lire ses calcul sur le prix de revient de sa Métisse de 1965 : Le prix des pièces les déplacement pour aller les chercher et le temps passé à la monter. L’aspect économique est rarement abordé lorsqu’on parle de nos dépenses pour assouvir notre passion. Et c’est très intéressant de voir ce que coûtait une moto de cross à l’époque.
Pour trouver les pièces il fallait aller à Toulouse et Perpignan les deux grandes villes les plus proches. Une douzaine de déplacements étaient indispensables puis, pour le montage et la préparation, 6 journées de travail à deux étaient nécessaires. Le prix des pièces comme le cadre où le moteur était de 300.000 francs de l’époque et par éléments. Au total le prix de revient de la Métisse était de 912.482 francs 1965.
Il est difficile de comparer et de convertir en euros car ce n’est pas aussi simple mais il faut savoir que dans les années 50 le smig n’existait pas et que des salaires d’ouvriers ou d’employé, tournaient autour de 25 000 francs mensuels.
Ce qui signifie que le montage de cette Métisse était un sacré investissement.
Un investissement qui pouvait être fructueux car les primes d’engagement plus celles d’arrivée et celles des différents partenaires, les sponsors, pouvaient augmenter considérablement la somme et d’autant plus que le coureur faisait de bon classement dans les trois premiers.
Franck Lucas comme Lucien Campet me disaient qu’ils avaient la belle vie et qu’il gagnaient même de l’argent en courant en moto cross. Campet qui avait un garage d’auto me confirme qu’il lui arrivait d’encaisser plus en un week-end que pendant un mois de travail dans son garage.
Tu te rends compte me dit Lucien : « J’ai quitté le Moto-club de l’Aude, l’UMA, pour le Moto-club de Saint Thibéry car ce club me donnait une prime chaque année à la signature de ma licence, et une prime de 500 000 francs de l’époque ! »
Puis ses primes ont été quasiment supprimées dans les années 70. On trouvait plus facilement des motos de cross toutes prêtes à courir et il y avait dès lors pléthore de coureur amateurs, alors que jusque là ils n’étaient pas nombreux, parfois une douzaine à prendre les départs et assurer le spectacle. De ce fait les organisateurs n’avaient plus besoin d’être aussi généreux.
Le comité des fêtes et M.C.2.S, organisent cette année 2012, le Challenge Lucien Campet à l’occasion du célèbre Moto- cross de Sainte Suzanne en Ariège.
3 jours en Mai les 26, 27, 28, qui vont être mémorable. Rendez vous à Sainte Suzanne…
Et ne manquez pas une visite au site: http://www.wix.com/mc2s61/sainte-suzanne
Les motos de Lucien Campet « retraité » !
En arrivant à Badens ou je n’était pas venu depuis bien longtemps, je ne peux pas me tromper car devant la maison des Campet, je tombe en admiration devant la Rickman.
Lucien n’est pas loin !
Le voilà ! et il me dit : « Ça fait 40 ans qu’on c’est pas vu. Je l’ai calculé ! »
Et oui, et c’est passé si vite depuis que je suis parti de l’Aude. Il aura fallu ce blog et que j’y raconte le Moto Cross de Laure Minervois de 1972 pour que Lucien me retrouve et que nous nous rencontrions aujourd’hui par le biais d’Internet. Quel plaisir !
Dans son garage Lucien me montre sa dernière préparation, une Cheney Victor qu’il remonte amoureusement et avec une méticulosité et un sens du détail soigné qui témoigne du talent d’un vrai mécanicien comme lui.
Dans un carton : des bielles poids plume et des roulements légers comme l’air attendent de prendre leur place dans le moteur; poli et rutilant comme un bijoux. Les motos de Lucien sont belles et en plus, elles marchent comme des horloges atomiques, Elles pètent le feu de Dieu! Beau dehors mais aussi très fort dedans et très bien mis au point.
Amoureusement rangée dans son bureau Lucien me montre sa Triumph/BSA. Une machine superbe et qui est célèbre sur tous les terrains de Moto Cross à l’ancienne. On a pu la voir en photo dans plusieurs journaux et sur Internet. Mais c’est dans Moto Cross d’hier qu’il y a la plus belle image prise par Livio De Nadaï, ou l’on voit Lucien faire un grand saut sur sa splendide TRIBSA.
Des motos vraiment magnifiques soignées comme des œuvres d’art et qui sont tellement belles que l’on comprend pourquoi le grand musée d’art New Yorkais, Le Guggenheim, a consacré à la motocyclette une grande exposition qui présentait les machines comme de véritables sculptures d’art contemporain.
Décidément, les motos de courses que se soit de cross où de vitesse : Y a que ça de vrai :Le minimum essentiel pour le maximum d’efficacité !
Souvenirs d’une belle carrière de coureur
Lucien à commencé de courir à ses 16 ans en 1959. Très rapidement son nom commence à figurer sur les affiches. En petit, au début, comme pour cette course de Nissan les Ensérunes en 1960.
On est déjà au mois d’Octobre et c’est la fête au village de Nissan après les vendanges qui sont juste terminées. La course en National va voir s’affronter de sérieux clients comme Paul Godey, ex champion de France, Jean Cros le bien nommé qui est deuxième au Championnat de cette année 60. Il y a aussi Auguste Darrouy, et le truculent Pascual de Perpignan et Robert Aguirre qui a fini 23 courses 1er, en 1959 ! Il y avait également Charles Delmas carcassonnais, Champion de la ligue Languedoc Roussillon et qui nous a quitté l’année dernière.
Lucien, lui aussi, sera 3 fois Champion de la ligue Languedoc Roussillon.
Il ne se souvient pas des dates exactes… mais se rappelle qu’en se temps là, il se disputait les places de premier avec Serge Bacou et « c’était un coup moi, un coup lui, tout les deux sur Métisse. On se tapait la bourre et ça faisait le spectacle ! Puis Serge a été champion de France et pas moi… et il a fait la carrière qu’on connaît avec des Bultaco ! »
Cette photo est particulièrement intéressante car à la réception d’un saut, avant que la roue arrière touche le sol, Lucien est déjà en train de rétrograder pour aborder la difficulté qui suivait.
En 1968 Campet termine le Championnat de France National à la 9ème place
tandis qu’il gagne la première place à Saint Thibéry, devant une grosse concurrence.
Mais peu de temps après, une vilaine et tragique chute lui fait décider d’abandonner les courses.
L’ ami Mickie vient de retrouver dans sa collection de Moto Revue un article,
dans le N° 1873 de 1968, ou notre revue préférée annonce avec photo à l’appui, le retour de Lulu!
Merci Mickie!
Laure Minervois 1972
Sa passion est trop forte et il revient en 1971 ou il terminera la saison Champion de Ligue Languedoc Roussillon.
Laure Minervois 1972
A cette date j’étais déjà photographe et j’ai pris les photos de Lucien au moto cross de Laure Minervois (voir la page: 1972 : Moto cross à Laure Minervois ) . Je me souviens que je l’avais enfin rencontré alors que je suivais ses courses depuis les premières fois ou je suis allé sur les terrains de Belvèze et Montréal accompagné par mon père et mon grand père alors que j’avais une douzaine d’année.
Et nous sommes toujours là avec cette passion intacte en 2010, 40 ans après, réunis dans l’atelier de Lucien à nous souvenir avec bonheur de tout ce temps passé. Mais sans trop de nostalgie, car il y a encore plein de choses excitantes à faire : Lucien veut tracer un terrain de moto-cross dans une vieille vigne qui ne produit plus beaucoup.
Et moi de voir ces motos me donne envie d’une Bultaco Pur sang… à presque 60 ans il serait encore temps que je me mette au moto-cross, non?… pour essayer de suivre Lulu!
Souhaitons nous que la course soit encore longue et la piste interminable…