Timbré du Tourist Trophy
Timbré du Tourist Trophy
Par Charles Camberoque
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Mon beau-père (celui qui a dépassé les 87 ans et qui se moque de moi, parce que je n’arrive pas à balancer et pencher autant que Valentino Rossi dans les tournants !) est un philatéliste.
Récemment il m’a offert, pour me consoler de mon piètre pilotage, une série de timbres émis par les postes de l’Isle of Man. Et je dois dire que ce cadeau m’a beaucoup plu. Il me fait bien rêver lorsque j’examine de près ces espèces de petits tableaux. Pour vous j’ai photographié ces timbres en gros plan et j’ai isolé des détails comme les machines ou les portraits de pilotes. Ainsi c’est plus agréable à regarder qu’avec une loupe.
Sur l’île de Man, à l’occasion d’anniversaires des courses du Tourist Trophy, on publie régulièrement des séries de timbres consacrées à cet événement et vous pourrez certainement en trouver encore bien d’autres.
Devant toutes ces images et évocations, cette course mythique m’a une fois de plus transporté en songe sur cette petite île, dans les odeurs d’huile, de pneus chauffés par l’asphalte et dans les bruits de mégaphone déchaînés.
Cela me rappelle mon adolescence et mon vieil ami Jean-Paul, qui ayant été un type toujours moderne avait un tourne-disque Teppaz sur lequel nous nous passions sans cesse un disque d’enregistrements du TT. À cette époque, nous avions les bruits et rumeurs mais pas beaucoup de photographies, hormis Moto Revue et Champion !
Voilà donc de bien belles images, petites mais pleines de détails passionnants.
Sur une planche qui regroupe 5 timbres, on peut très bien voir le plan du circuit et de l’île de Man ainsi que les machines tout aussi mythiques qui ont fait la réputation des courses sur ce parcours.
Si l’on examine les timbres en détail, on s’aperçoit qu’ils fourmillent d’informations bien intéressantes dont une représentation de l’Île de Man qui vient en arrière plan des images des motos et des coureurs. Ces timbres sont probablement peints à la gouache, d’après des photographies.
Les routes de l’île qu’emprunte le circuit sont bordées de clôtures et petites murettes, bien dangereuses pour les pilotes. Le paysage apparaît avec les passages dans la montagne rapides et tout aussi dangereux que les rues des villages traversés dans les zones plus urbaines.
Les machines virent au ras des cottages et des maisons. Elles se faufilent sur ce circuit qui passe également devant des pubs, les bistrots de là-bas. Ce qui me fait penser que le Café racer doit être bien né dans ces contrées et probablement sur cette île, inspiré par les machines de cette course semi citadine.
L’engouement des habitants de l’île pour la moto a dû, de tout temps, être très fort pour qu’ils acceptent de supporter le passage de ces bolides dans leurs rues et presque dans leurs jardins ! Et en effet ils avaient bien compris que les courses feraient connaître leur île dans l’Europe entière et attireraient durablement des touristes chez eux.
Quand en France dans les années 70, les rares motards que nous étions supportaient péniblement d’être traités de blousons noirs, l’île de Man nous apparaissait comme le paradis de la moto.
Sur ces timbres, beaucoup de machines Anglaises apparaissent, des Norton Manx, bien entendu, mais aussi des Douglas, Matchless, Ariel… et également une machine plus rare, un Rex-Acme de 1925. Les motos européennes, Bmw, Gilera, MV Augusta, Moto Guzzi, Aermacchi… Puis quelques incontournables Honda et Yamaha.
La 500 BMW de 1939 avec compresseur :
Suit la 350 Norton Manx Kneeler de 1953.
Entièrement carénée elle ne manquait pas de gueule.
La 500 MV Agusta de 1956 a également un look comme j’aime avec ses 4 cylindres et cet extraordinaire moteur.
Sur les machines de cette époque, j’adore les dosserets de selle tout ronds
La mythique Moto Guzzi V 8 de 1957 contraste avec la MV précédente, qui est pourtant plus ancienne. La Guzzi a, bien sûr, un moteur exceptionnel de 8 cylindres, mais le reste de la partie cycle garde un look vieillot et la machine représentée sur ce timbre ne semble pas aussi moderne que la MV.
Ahhh ! La Honda 250, 6 cylindres de 1967 ! Là, on est dans une complexité mécanique tout aussi fabuleuse. Et même si cet engin était imparfait, aux mains de Mike Hailwood elle nous a ravi dans des concerts joués avec fougue et trémolos.
Mais si cette collection de timbres rend hommage aux machines, les pilotes sont aussi célébrés. Comme Charlie Collier, le vainqueur de la première course en 1907 puis en 1914 sur un mono cylindre. En ce temps-là, une casquette à l’envers comme les rappeurs de maintenant et des lunettes suffisaient pour tout équipement des pilotes.
La Matchless des frères Collier était équipée de pédales qui apportaient un surcroît de puissance auxiliaire non négligeable et qui aidèrent Charlie dans sa victoire car les Triumph n’en possédaient pas.
Sur le timbre suivant, on peut voir et imaginer les passages des motos sur le circuit qui courraient au travers de la montagne de l’île de Man. Des murettes de belles pierres protégeaient les pilotes du précipice ! Au début du XX eme siècle, les conditions de sécurité étaient tout ce qu’il y de plus sommaire d’autant plus que cette route n’était pas très large, en terre et parfois recouverte de graviers ou d’herbes, ce qui ne manquait pas d’y attirer les moutons devant lesquels on risquait de ce retrouver au détour d’un virage.
Freddie Dixon gagnera en 1912 puis en 1928, en Junior et dans la catégorie side-car avec pour passager Walter Perry dans ce qui restera la première course des sides.
Sur le dessin du timbre, on peut voir Freddie incliner sa machine en tournant devant un cottage, bien belle maison qu’on peut encore admirer sur l’île. Freddie, assis très en avant, balance la moto d’un côté tout en inclinant son corps de l’autre. Une vieille technique ci peu semblable au pilotage actuel ! Il est à noter que le casque était apparu sur les têtes des pilotes de cette époque. La plaque des numéros est bien plus visible qu’au début du siècle, preuve que de nombreux coureurs participaient à la course devant un public de plus en plus important.
Depuis 1912 les constructeurs ont ouvert dans leurs usines des ateliers courses qui travaillent à l’amélioration des motos pour les compétitions.
Jimmie Simpson est un héro de la 1ere guerre ou il s’illustra par ses exploits comme pilote d’avions. En 1922, puis en 1934, Jimmie Simpson gagne les courses et il est le premier pilote à battre des records du tour, successivement à 60,70, et 80 mph.
Jimmie Simpson court sur une Norton et son style a changé depuis celui de Freddie Dixon. Jimmie s’incline avec la moto, tout en étant assis plus à l’arrière de la bécane. Sur ce timbre, on le voit passer devant une autre petite maison dans la campagne de l’île de Man. Vu la moto il faut supposer que le dessinateur a voulu le représenter sur une machine postérieure aux années 30.
Tandis que sur le timbre suivant, Leslie Randles, dans des couleurs d’automne et une belle lumière de fin de journée, semble avoir le trophée sur sa trajectoire. Toujours au ras des murettes, il pilote une machine en 1923 à la première place du Manx Grand Prix.
La même année, 1923, Tom Sheard gagne le Senior TT sur une Douglas.
Il a une bonne tête bien sympathique et il me semble reconnaître un casque Cromwel.
À cette période, les essais se faisaient à 5 heures du matin pour ne pas trop gêner la circulation des insulaires.
Wal Handley, sur une moto peu connue de nos jours : une REX-ACME, gagne en 1925 la course des Juniors TT grâce aussi au moteur Blackburne qui équipait cette machine.
Cependant, les freins n’étaient pas suffisamment efficaces et les pilotes freinaient souvent avec leurs pieds !
Stanley Woods sur une Moto Guzzi gagne en Senior la course de 1935, après une série de grandes victoires sur Norton, et avant quelques courses sur Husqvarna, puis Vélocette, sa moto favorite.
On peut voir Stanley qui est devenu un vif vieillard, commenter ses courses à l’Île de Man dans le CD indispensable: Courses de Légendes Tourist Trophy.
Freddie Frith gagne sur Norton le Senior de 1937. Depuis 1914 le port du casque est obligatoire et le Cromwell est le casque des coureurs. Ces derniers portent enfin une combinaison de cuir.
Freddie Frith restera le coureur qui aura gagné avant et après la deuxième guerre mondiale.
Geoff Duke gagne en 1955 sur une Gilera. Il sera un des grands pilotes d’après guerre. Les motos anglaises perdent leur monopole sur l’île de Man au profit des Italiennes avant l’arrivée massive des Japonaises.
The Duke (comme on l’appelait) sera un grand champion et deux timbres seront publiés à son image. Son pilotage était de grande beauté, il était considéré comme « Le styliste suprême ». Et il remporta 3 championnats mondiaux sur Norton et 3 sur Giléra.
Dans sa jeunesse Geoff Duke avait travaillé dans le Corps Royal des Transmissions, la poste et télécommunications, ou il a débuté à moto dans l’équipe du Signal Corps Moto. La poste n’a donc pas oublié qu’il avait travaillé pour elle et a publié ce timbre où l’on peut le voir dans son uniforme de facteur, en train de sauter joyeusement. C’est certain: Le courrier arrivait rapidement en ce temps là!!!
Les Norton Manx avaient leur propre Grand Prix. Alan Holmes fut un double vainqueur. Sur le timbre suivant on le voit courant contre lui-même.
Plus tard, Peter Williams et sa splendide Norton John Player qui est probablement une des dernière évolution de cette moto, a gagné en 1973 la course des internationaux sur sa 750. Malheureusement ce timbre ne la reproduit pas bien et ce dessin est franchement médiocre par rapport à la ligne de cette machine.
Mais il ne faut pas oublier les courses de side car. On peut en trouver quelques timbres comme celui qui représente le vainqueur en 500 sur BMW pour l’année 1961. Plus tard sera publié le timbre ou l’on voit Jock Taylor qui remportera les courses de 1978 (sous la pluie), puis de 1980 et 1981. Pour l’édition de ce timbre, on n’a pas oublié d’inscrire aussi le nom du singe : Benga Johansson
Publié plus tard un autre timbre rend hommage à deux coureurs de side qui gagnèrent aux ISDT de 1933 sur une Ariel Square Four. Le quatre cylindre anglais d’avant les Japonaises qui fut décliné au fil de son évolution de 500cc à 1000cc. Graham Oates et Bill Marshall sont représentés sur leur machine et la série de timbres publiés lors de cette édition est particulièrement bien dessinée avec l’inscription de l’année 33 qui contribue à donner une impression de vitesse en ce fondant dans l’image.
Richard Swallow vainqueur de la Junior Classic en 1987 et 1991 sur un mono 350 Aermacchi.
Denis Parkinson a gagné le Manx Grand Prix en senior en 1953
Steve Colley avait depuis 1991 été élu personnalité sportive de l’île de Man, lorsque sur sa Beta il a gagné en 1992 les Six jours d’Ecosse de Trial. Cela suffisait pour éditer un timbre même si pour une fois c’est à la gloire d’un trialiste. Oui, mais un trialiste de l’île de Man.
Mais je garde le meilleur pour la fin, comme pour Geoff Duke, Mike Hailwood est représenté sur deux timbres. Sur l’un, on voit un tout jeune homme tandis que sur l’autre, il a perdu ses cheveux et apparaît plus âgé.
Mike dessiné sur ce qui me semble être sa Norton Manx, une de ses premières montures de 1958.
Un peu plus tard le voilà sur l’extraordinaire 125 Honda 5 cylindres pour une belle victoire en 1961.
Pour écouter le moteur de cette Honda, il faut aller sur Youtube :
http://www.youtube.com/watch?v=qMVNAYqnRT0
Il faut rappeler que Mike Hailwood a fait un retour sur le TT après plus de 10 ans d’absence en course moto. A la surprise générale et pour la plus grand joie de tous ces fidèles admirateurs, il revient en 1978 et gagne alors sa course en Formule Un, sur une 750 Ducati !
L’année d’après, en 1979 il revient encore sur l’île et gagnera en Senior sa 14 ème victoire au TT, en étant en tête pendant toute la course. Prouvant, comme s’il en était encore besoin, que le mythe était toujours vivant et le pilote toujours aussi génial.
Comme dans l’accident de Coluche, un camion lui a coupé la route un soir de mars 1981 !
Mike Hailwood trouvera la mort en voiture, dans la banlieue de Birmingham, en amenant ses enfants en ville.
En 1976, quelques années avant, j’avais rencontréHailwood sur le circuit Paul Ricard où il présidait le Jury de l’Ecole de pilotage Tony Smith.