Miquel Simo un constructeur et pilote oublié
Miquel Simo un constructeur et pilote oublié
Par Charles Camberoque
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Les mecs du sud comme moi ont tous un regard et une attirance particulière pour l’Espagne.
Et plus particulièrement pour la Catalogne, cette région tout autour de Barcelone berceau de marques, comme Bultaco, Derbi ou Montesa… et de pilotes mythiques.
Miquel Simo à ses 18 ans, en 1925 sur le circuit de Terramar avec sa Simo 148 de 1924. Cette moto est exposée au Musée de la Moto de Barcelone.
Le pays catalan est tout près de chez nous. On va là-bas depuis toujours et on s’y sent chez soi plus qu’à Paris Pantin ou Dijon…
Et puis c’est réciproque, beaucoup de Catalans, d’Espagnols, des cousins en quelque sorte, viennent chez nous à des courses, aux bourses et rassemblements…
Ceci n’est pas nouveau : Déjà dans les années trente des pilotes Ibères venaient participer aux compétitions de vitesse comme aux Grand Prix de Carcassonne.
En travaillant aux pages sur les Grand Prix de Carcassonne, (que vous pouvez voir sur ce blog), mais aussi en écrivant mon bouquin Le circuit oublié, sur ces mêmes grand prix, j’ai découvert Miguel Sanchez Simo.
Le pilote dont je veux vous parler aujourd’hui.
Mais je veux aussi en profiter pour rendre hommage à Bernard Salvat qui avait fait un grand article sur Miquel Simo, à une époque il y a plus de trente ans, ou le pauvre Miquel était bien oublié de ces compatriotes que ce soit en Espagne ou en Catalogne.
LE GRAND PRIX MOTO DE CARCASSONNE I Aude
LES GRAND PRIX MOTO DE CARCASSONNE II
MIGUÉL SÁNCHEZ SIMÓ. 1907 / 1977
Miquel Sanchez Simo a participé à plusieurs des Grand Prix Audois.
Il y est venu dans les années 33/35, et il n’est pas passé inaperçu car des vieux amateurs de moto se souviennent encore de ses arrivées à Carcassonne avec ses deux machines arrimées de chaque côté, sur les marchepieds d’une Hispano Suiza.
A une époque où même les coureurs d’usine se déplaçaient en train avec leurs machines en bagage accompagné, Simo passait pour un novateur en arrivant avec sa femme et dans ce magnifique équipage.
Je les imagine passant la frontière au Pertus sous le regard des douaniers qui devait être, au combien, intrigués.
Puis roulant vers Carcassonne, captivant à chaque arrêt les badauds, filant sur les routes nationales d’alors, traversant les Corbières, attirant l’attention des vendangeurs qui devaient déjà relever la tête d’entre les ceps de vigne en entendant le ronflement de l’énorme moteur de cette si belle voiture.
J’ai donc une certaine admiration pour Miquel Simo, cet homme au parcours surprenant qui est mort en 1977 déjà un peu oublié de ses contemporains…
Miquel Simo probablement dans la course de côte de la Rabassada
Miquel Sanchez Simo: L’ingénieur / constructeur
Miquel Sanchez Simo est né en 1907 .
Déjà au début de son adolescence en 1921, il commence à courir sur une bicyclette à moteur auxiliaire, BMA.
La bécane, munie d’un moteur DKW de 118 cc qu’il a monté lui-même, frise les 85 km/h.
Pas mal pour un jeune pilote tout juste équipé d’une paire de genouillères que lui a refilé un joueur de foot !
Miquel Simo jeune coureur et sa moto qu’il a construite en 1924: la Simo 148 du Musée de la Moto de Barcelone.
Un peu plus tard Miguel, dont le prénom s’écrit Miquel en Catalan, entre dans la Prestigieuse Ecole Industrielle de Barcelone.
Institution réputée qui peut être comparable aux Arts et Métiers de chez nous.
Son travail de fin d’études va provoquer une grosse rigolade chez ses collègues étudiants : Pensez vous !
Il annonce qu’il va construire un moteur de moto.
Rira bien qui rira le dernier !
Car le directeur de l’Ecole Industrielle va l’aider en lui offrant de nombreuses facilités pour que Miquel construise ce qui sera probablement le premier moteur de moto Espagnol.
Départ de Simo pour une course de côte
Un moteur 2 temps de 148 cc qui lui permettra d’obtenir une première victoire sur l’Autodrome Terramar de Sitges en 1924.
Il participera la même année au Tour de Catalogne ainsi qu’a une toute aussi célèbre course de côte aux portes de Barcelone : La Rabassada.
Circuit de Terramar
Toujours étudiant, Miquel Simo rencontre le Ministre de l’Industrie en visite à l’Ecole Industrielle de Barcelone.
Ce dernier tombe admiratif devant le travail de ce jeune élève.
Miquel lui garantit qu’avec un peu d’argent, il pourrait passer à la construction d’une moto moderne et rapide.
Le circuit de Terramar actuellement
Quelques mois passent et en 1927 Miquel reçoit une subvention considérable avec laquelle il poursuit son projet par la fabrication d’un prototype de moto.
Le moulin est, bien entendu, de 148cc avec un échappement double, des freins à l’avant comme à l’arrière et une transmission par chaîne.
Simo 250
Un matin, Simo lit dans un journal que le gouvernement de Madrid offre des subventions pour encourager les nouvelles industries.
Miquel monte sur sa moto et part pour la capitale à la poursuite de son objectif pour la recherche de financement afin de passer à la phase industrielle.
À Madrid, le ministre de la guerre le présente au chef du gouvernement le Général Primo de Rivera et ils lui commandent dans un premier temps 25 machines à 2500 pesettes chacune.
Par la suite, les motos seront principalement destinées aux services de l’administration, à la poste et à l’armée.
C’est ainsi qu’en 1929 et jusqu’en 1932, Miquel Simo devient constructeur de motos avec deux modèles à son catalogue, munies de moteur de deux temps de 148cc et de 250cc.
Des machines bien belles et aussi rares de nos jours car leur production ne sera jamais à grande échelle.
La Marque Simo fut la première marque de moto officiellement déposée en Espagne.
Simo 250
Malheureusement en 1932 les affaires ne marchent pas bien.
L’Espagne connaît des crises politiques et la guerre civile est proche.
Simo ne traite plus avec le Gouvernement et abandonne la fabrication de ses belles motos.
Il est engagé par la Général Motors qui est installée en Espagne.
Miquel Simo reprendra ses activités de constructeur après la guerre d’Espagne pour mettre au point des tricycles, engin de transport légers, mais aussi des mini voitures à moteur Hispano Villiers de 200cc.
Merci à Joan Segura qui m’envoie la photo, ci dessus, d’un Biscuter, voir http://charlescamberoque.unblog.fr/wp-admin/post.php?post=4304&action=edit
C’étaient les ancêtres de ce qu’on appellera les Biscuter, construits plus tard par Voisin et qu’on pourra croiser longtemps sur les routes et dans les villes d’Espagne.
Des espèces de minuscules autos qui donnaient aux Espagnols l’illusion de posséder et de conduire une « vraie » voiture.
En 1957 encore, Miquel présente un prototype de microcar à la grande foire de Barcelone : Petit moteur Villier et carrosserie de fibre de verre.
Dans le domaine des trois roues Simo faisait également appel à son esprit de compétition pour tenter de faire évoluer ses prototypes qui, comme on peut le voir sur la photo ne manquaient pas de gueule.
Simo, lui même donne le départ à cet étrange engin qui semblerait avoir perdu ses ailes !
Je pense que mon vieil ami Jacques Potherat aurait beaucoup aimé ce tricycle.
Miquel Sanchez Simo : Le pilote officiel Terrot en Espagne
Mais l’envie de compétition que Simo avait réprimé pour devenir industriel pendant toutes ces dernières années lui revient fortement et Miquel achète en 1932 une Terrot 250 OCP.
La marque Terrot s’implantait alors en Espagne en utilisant le nom de Torrot.
Pub Terrot pour la 250 OCP utilisée par Simo
A cette époque Simo apparaît avec son prénom, tantôt en Espagnol, tantôt en Catalan dans les listes d’engagés.
L’utilisation du Catalan étant interdite par Madrid.
Mais lorsque Simo court à l’étranger, il utilise son prénom dans sa langue naturelle, le Catalan.
De plus je me suis aperçu qu’en France les journalistes francisaient même jusqu’à son nom de Simo en Simon.
Donc on trouve pour la même personne des engagements sous des noms et prénoms différents. Ce qui ne facilite pas les recherches.
Simo sur l’île de Man
En 1934 Miquel Simo s’inscrit au Grand Prix de Montjuic à Barcelone.
Ce circuit urbain était tracé sur la colline du fort de Montjuic qui domine la ville.
Il a été utilisé pratiquement jusqu’à la construction du circuit de Montmelo.
Vers la fin des années 60, j’ai le souvenir d’avoir été sur ce circuit de Montjuic pour m’amuser à y tourner avec ma 250 Yamaha YDS 3.
Sans casque (c’était pas obligatoire) et avec un copain derrière !
C’était en pleine journée avec le trafic habituel. Les machines Japonaises n’étaient pas importées.
Les chauffeurs de taxi se poussaient pour me laisser passer et me faisaient des signes amicaux le pouce levé façon Bultaco.
Dès que je m’arrêtais, ils s’arrêtaient eux aussi pour venir voir cette moto.
Avec les passants cela créait de véritables attroupements fort sympathiques et impensables de nos jours.
Départ: Simo N°2
C’est donc sur ce même circuit qu’une trentaine d’années plus tôt Miquel Simo courrait sa première course avec sa Terrot OCP.
A partir de ce jour il allait participer à de nombreuses courses dans toute l’Espagne et l’Europe. Sa deuxième place au Grand Prix de Barcelone lui assurant une certaine notoriété, il terminera 3 ème du Grand Prix de Belgique, second au Deutch TT.
Simo à l’attaque.
Plus tard, de retour chez lui il décrochera, en 350, une place de 1er à Barcelone qui sera son meilleur souvenir de course.
C’est à cette période et en 1935, qu’il vient courir à Carcassonne.
Simo sur sa 250 OCP Terrot
Par la suite, de 1935 à 1939, il deviendra pilote officiel Terrot pour l’Espagne et accumulera les succès avec des premières places en France, Autriche, Allemagne, et des places d’honneur en Tchécoslovaquie, Suède… mais à cette période il sera difficile de contrer les pilotes Allemands qui sur DKW à compresseur sont absolument imbattables et arrivent avec une organisation quasiment para-militaire et des moyens énormes venant du gouvernement Nazi.
En attendant son tour au TT
Simo sera le premier pilote Espagnol a participer au Tourist Tropy et à plusieurs reprises.
Dès sa première participation en 1935, il recevra la coupe qui est offerte aux pilotes qui terminent la course dans un temps qui n’est pas supérieur à 10% de celui du premier.
Le 12 juin 1939, Simo est sur l’Ile de Man pour le TT. Sa Terrot pète le feu de Dieu et il est certain qu’il va faire un bon classement malgré la présence de l’équipe des coureurs Nazi qui à la fin laisseront à cette épreuve un évident mauvais souvenir car il gageront toutes les bonnes places.
Simo au départ du Tourist Trophy
Au 5ème tour de Simo, comme souvent dans cette région, il se met à pleuvoir…
… Un coureur anglais qui est avant lui, dérape et tombe.
De l’huile coule sur la piste mélangée à l’eau de la pluie.
Miquel qui ne la voit pas arrive à 140.
Il glisse puis chute à son tour pour aller se fracasser contre un mur de ciment.
Simo au départ du Tourist Trophy et en couverture de la Revue le Motocyclettiste n°15 de 1978.
Le casque lui a sauvé la vie, mais les séquelles de l’accident seront terribles et vont l’ handicaper à tout jamais.
Au Musée de la Moto de Barcelone: L’équipement de Miquel Simo que l’on peut voir sur toutes ses photos d’époque.
Le casque est celui qu’il portait lors de sa chute au TT.
Une fracture des vertèbres ne lui permettra plus de marcher normalement.
Il sera plusieurs mois à l’Hôpital lorsque sera déclarée la seconde guerre mondiale.
Hélas, sa carrière de coureur s’achève ainsi.
Dernier réglages pour Simo
A partir de là Miquel Simo sera petit à petit oublié y comprit de la Fédération Motocycliste.
Il se consacrera à la mécanique tout en étant rivé à un fauteuil roulant. Il restaurera des machines diverses et préparera des moteurs anciens tout en racontant aux jeunes incrédules son extraordinaire aventure de pilote et de constructeur.
Miquel Simo est mort le 27 juillet 1977.
Bernard Salvat parlait déjà de Miquel Simo, dans le N° 15 de la revue Le Motocyclettiste, qui avait été publié il y a 33 ans, en 1978 !
En ce temps là, les Espagnols ne s’intéressaient plus à Simo.
Salvat m’écrit : « la seule et notable exception vint des deux pionniers de la moto ancienne que furent Carlos Garriga et Francisco « Paco » Vives, tous deux catalans, tous deux récemment disparus ».
Des sites Espagnols actuels, sans le mentionner, ont largement utilisé l’article et l’interview de Miquel Simo par Bernard Salvat, je tiens donc à rendre hommage à ce dernier pour tout ce qu’il a publié et qu’il continue à nous apprendre depuis toutes ces années.
http://miguelsimo.wordpress.com/
http://sites.google.com/site/motologias/archive/01012010/la-fiesta-nazi
http://www.motocicletaclasica.es/
meilleurs voeux pour 2012 et que la tenor retrouve les routes de votre region
Coucou Charles! Je sais que tu es très occupé en ce moment, et je ne te dérange pas! Mais jette un oeil sur le forum Terrot…
http://www.terrot.org/forum/viewtopic.php?f=9&t=9336&p=77331#p77331