La Ténor de Philippon
La Ténor de Philippon
Texte et photos de C Camberoque
On ne dira jamais suffisamment comme Internet est un extraordinaire outil.
Je faisais de la moto tout seul dans mon coin. Grâce au net, j’ai commencé à écrire ce blog et y ai découvert une multitude de gens passionnants.Voir: http://charlescamberoque.unblog.fr/?p=102
Ce blog, dont la première mise en ligne date de Mars 2008, a largement dépassé les 200 000 visiteurs qui ont consulté plus de 450 000 pages. Il a été traduit, pour être lu dans je ne sais combien de langues, de l’Arabe au Chinois en passant par des langues parlées dans des pays que j’aurais du mal à situer sur un planisphère. Voir l’article de Mars 2010 : Et je continue mon blog… Depuis 2 ans, déjà!
Et dire que je croyais qu’il ne serait vu que par 3 ou 4 copains bienveillants !
Je ne collectionne plus les articles des revues qui en ont parlé, et quant aux sites et autres blogs qui en donnent un lien, ils sont des centaines et j’en profite pour les remercier.
C’est ainsi que j’ai d’abord rencontré virtuellement, Thierry Philippon dont j’apprécie le travail autour des Terrot. J’en ai parlé souvent sur ce blog avant de faire sa connaissance.
Nous nous sommes retrouvés dernièrement à Pamiers, ou il avait amené sa petite Ténor que j’ai pu admirer dans ces moindres détails. Voir : Ariège : Grand messe du TCF
Une machine qui pète le feu de Dieu !
La Ténor de Philippon a visiblement des performances qui laissent derrière, même des 175 Tournoi ou Rallye, ainsi que beaucoup d’autres bécanes de plus grosse cylindrée.
Il faut dire que Thierry Philippon semble tout à fait à son aise pour piloter ses Terrot. L’inversion des commandes ne lui pose pas le moindre problème.
Quant aux pneus, il a monté des modernes Michelin Sporty qui ne plaisent pas aux puristes. Certes… surtout ceux qui se font enfumer au premier virage.
Il fallait le voir filer, le Thierry… déchaîné sur les routes des Pyrénées ariégeoises !
Voyons de plus près cette petite machine, dite populaire.
La partie cycle
D’emblée elle ne se distingue pas d’une autre Ténor. Mais en y regardant à deux fois, quelques détails apparaissent immédiatement comme le carburateur avec son cornet très racing.
Les pneus sont des gommes modernes. Ces Michelin Sporty semblent bien plus fiables et accrocheurs que les traditionnelles montes ordinaires.
Les jantes sont différentes par rapport aux modèles habituels. Philippon a monté des Akront au profil plus beau. De 1,60 pouce par 17, elles ont la même largeur que les Borrani à 1 mm près.
Quant au pignon de sortie de boîte, il est de 16 dents, au lieu de 15.
Sur le Carter gauche, une prise pour un compte-tour mécanique a été installée. Je ne la trouve pas d’un bel effet et depuis quelque temps, elle ne sert à rien car Thierry a monté un compte-tour électronique, monté sur le guidon gauche pour éviter de faire des surrégimes.
Le célèbre autocollant Champion de France a été ré-imprimé par les soins de Thierry. Il fait gagner quelques km/h, lorsqu’il est collé à la bonne place ! Si vous contactez Philippon, il vous en enverra une paire à un prix très raisonnable. Et franchement sur une Ténor… c’est la final touch !
A Pamiers, Thierry m’a présenté Claude Rougé, le plus Breton des Biterrois qui était descendu pour l’occasion dans le Sud. Un autre grand amateur de Terrot qui avait amené une jolie Ténor.
Suivant les conseils de Claude, je vais installer le même carbu que lui sur ma propre machine.
Moteur et carbu
Ci-dessous un gros plan de son carburateur, un Dell Orto référence : 02633 avec un gicleur de 83, (vendu neuf pour un peu plus de 65 euros. Franchement ça ne vaut pas la peine de s’en passer).
Mais revenons à la Ténor de Thierry et profitons de ses 2 séries de photos du carburateur pour voir la différence entre les 2 Ténor. Celle de Rougé, ci-dessus et celle de Philippon ci-dessous.
Le carburateur de la machine de Thierry, est également un Dell Orto mais de diamètre 22, qui plus est, un modèle Racing avec un gicleur de 85.
La pipe n’est plus fixée au cadre comme sur les Ténor habituelles (voir celle de Claude Rougé). Vous remarquerez également que la pipe qui supporte le carburateur a été raccourcie dans les deux montages.
Sur la Ténor de Thierry, ci-dessous, le système de fixation a été déplacé et soudé sur le haut du couvre culbuteur tout en étant toujours fixé au tube du cadre du dessus.
Si on laisse la fixation d’origine les vibrations produisent une cassure à l’emboîtement de la pipe d’admission dans la culasse. Grâce à la modification de Thierry, les vibrations ne passent plus par la pipe et le conduit d’admission, mais par le couvre culbuteur qui est bien plus solide.
La cuve est séparée et joliment montée sur silentblocs fixés sur la boîte à outils. Elle est réalisée à partir d’une cuve d’un carbu Gurtner, de Tournoi.
La boite à outils abrite un allumage électronique Kennedy.
Le filtre à air et sa petite boîte ont été supprimé.
Point commun sur les 2 Ténor de Rougé et Philippon : Un reniflard est installé sur le bouchon du carter de la boîte.
La boîte de Thierry a été décloisonnée, le reniflard permet la décompression du bas moteur.
Le décloisonnement
Le décloisonnement permet de supprimer la pression interne, de diminuer le frottement des pignons de boîte qui sont alors graissés, dans ce cas, par les projections du vilebrequin.
Le gain est appréciable car il semblerait de 1/2 cheval ! (Photo ci-dessus des carters moteurs une fois décloisonnés).
Les moteurs de Thierry
Mais tandis que nos deux amis se préparent pour la balade voyons ce que la moto de Thierry Philippon cache ou va prochainement cacher dans ses entrailles. Car Thierry possède deux moteurs l’un sur la machine l’autre à l’atelier qu’il monte alternativement sur sa Ténor.
Commençons par le haut du moteur, voyez cette culasse de « la mort qui tue » ! Comme dit Jean-Paul.
Les soupapes sont plus grandes (2 mm de plus que celle d’origine).
Pour que le vilebrequin encaisse le surcroît de puissance, il fallait faire quelque chose et en effet Thierry cherche à le fiabiliser car sa petite Terrot souffrait d’une certaine fragilité de ce côté-là.
Thierry raconte ses derniers travaux :
« Hier je suis allé à Saint Ouen l’Aumône (près de Pontoise) pour faire amincir de 2 mm mes 2 bielles de Honda 250 par rectification plane pour un future montage sur la Tenor (voir la photo bielle/piston)
Comme le dit Jean Paul : Ta Tenor ne marche pas mal, mais un vilo tous les 5000 km c’est moyen.
Et il a raison de se moquer.
Donc ce nouveau vilo comportera 33 aiguilles de 3*15.8 et ça ira mieux que le montage d’origine qui a 17 galets de 5*12.
Un rapide calcul montre que le gain en ligne de contact sera de 159%.
Et ce sera aussi supérieur au montage 175 Tournoi qui n’a que 30 aiguilles de 3*15.8.
Le piston est celui du 125 Honda qui se monte sur la bielle du 250 facilement, l’axe de piston ayant le même diamètre, 15 mm.
Et comme l’axe est décalé de 1 mm et se trouve plus haut dans le piston que sur le Ténor, associé avec une bielle + longue de 7 mm, le rendement mécanique du vilo sera meilleur.
C’est exactement ce que nous avons fait sur le 175, aux mêmes maux les mêmes remèdes ».
Ci dessus : «Une photo de la bielle ainsi qu’une d’un maneton aminci de 2 mm, après rectification de l’épaisseur (tète et pied) de 18 à 16 mm. Et rectification aussi de mon porte-monnaie:70€ pour les 2 (soit presque leur prix d’achat !).
La bielle du Ténor fait 12 mm de large (!) alors que la bielle Honda en fait 18. Donc 6 mm à gagner, ainsi répartis: 2 mm sur la bielle et 2 mm sur chaque masselotte.
Le piston du Honda a 56.5 d’alésage au lieu des 52 du Ténor (il a un peu grossi….).
Voila pourquoi une simple Ténor arrive à suivre une (et même deux) Rallye dont la distribution est usée ».
Détail intéressant :
Dernier détail intéressant que nous fait remarquer Thierry avant de remonter son moulin pour reprendre la route :
«Le poinçonnage des pièces réalisées à Saint Etienne, où furent fabriquées les dernières Terrot : Le « sTe » doit correspondre à Saint Etienne, cette usine travaillait surtout pour Peugeot auto et outillage, je me souviens d’avoir vu ce poinçonnage sur un mandrain de perceuse Peugeot Frère ».
Les performances
En ce qui concerne les performances, Thierry n’a pas chronométré sa petite Ténor, mais son ami Jean Le Tallec l’a fait :
Jeannot (pour les intimes) possède le même moteur que Thierry mais avec des ressort plus dur. Les ressorts des Ténor de compétition donnés par Pierre Aubertin du service course de Terrot. Ce sont des ressorts d’aviation : Terrys.
Du coup, la bécane de Jean Le Tallec prend 8200 tours et monte à 114 chrono !
Et c’est ainsi que lorsque des connaisseurs se retrouvent devant certaines Terrot Ténor, ils ne manquent pas de s’agenouiller devant elles pour se recueillir avec dévotion en faisant quelques oraisons secrètes (qui … m’a t’on dit… seraient constituées de textes cabalistiques tirées du manuel d’entretien des Ténor et Rallye)…
Bien chers frères Terrotistes… prions….
bonjour il semblerait que beaucoup se fient plus a la marque Delorto ou autre plutôt que de faire fonctionner n’importe quel carburateur ( jean claude serre me disait qu’il était perdu dans la carburation et ça me paraissait simple ). quand au vilbrequin qui lâche ça se comprends Thierry n’a pas allégé son volant magnétique donc avec une telle inertie la bielle est obligée de prendre du jeu . elle pilonne trop a bas régime . j’avais fais la triste expérience sur mon MV Agusta 203 vu que le ralenti était entre 6.000 et 8.000 t/mn j’avais fabriqué un volant extérieur et le moteur pouvais descendre a 3.000 t/mn mais catastrophe l’embiellage a descendu en chauffant le moteur et deux dents cassée au pignon d’arbre a came . le ralenti pas toujours bon pour un moteur dont le rapport volumétrique est a 15 a 1 .. essais au compressiomètre avec trois copain qui poussent 34 kg en ouvrant le carbu sans mettre en marche . encore bravo pour la Terrot a Thierry Philippon sa musique est géniale . j’aimerais pouvoir le joindre pour le féliciter . quand a la Japauto qu’il a préparée c’est mon frère Roger RUIZ qui a gagné le bol d’or en 1972 avec Gérard Debrock . l’avais fabriqué des pistons , des arbres a cames pour mon T100 calé a 180 degrés et des boites racings. Henri RUIZ .
Bonjour,je voudrais poser deux questions aux spécialistes Ténor: dans les essais de la Ténor et des autres 125 à leur sortie, le reproche des journalistes était toujours « chez Terrot on tire trop long » (démultiplication finale trop longue) or si on monte un pignon 16 dents au lieu de 15, on l’allonge encore? ou me trompe-je?
ensuite question pratique: que montez-vous comme joint entre le tube et le pot d’échappement? l’éclaté des pièces montre un « joint français », certes il n’était ni chinois ni japonais, et la marque existe encore, mais à quoi ce joint peut-il ressembler, on imagine qu’il doit avoir une forme torique et venir se glisser dans le logement présent à l’entrée du pot…..
Merci pour votre / vos réponse/s
Cordialement, Claude.
Bonjour, j’attaque le restauration d’une Ténor de 1961, je viens de refaire allumage et embrayage en cours…
Je la repeindrai par la suite, mais comment faire pour obtenir ces fameux autocollants « champion de France » qui la transforment en « bombe »…
Je vois que Thierry en a fait des très beaux pouvez vous me donner le moyen de le contacter?Merci d’avance
Cordialement Bernard
Et moi , si j’en veux, il faut que je m’approche? (Sniff!)
Oui, bien entendu, l’important c’est qu’elles roulent !
Mais ce qui est génial chez Thierry Philippon,c’est qu’il perpétue la mémoire d’Edmond Padovani plus de 50 ans après.
En poursuivant son oeuvre, Thierry tente d’imaginer comment Pado aurait pu faire évoluer ses motos, si Terrot avait continué sa production.
C’est pour ces raisons que j’admire autant Padovani que Philippon.
Superbes petites machines.
L’important est qu’elles roulent et elles semblent le faire parfaitement.
Alors les pneus et les modifs…. bof !
Compliments pour ce travail.
Bonjour Claude et les autres! Effectivement, le C signifie boite cloisonnée. Les premières EP et ETP (T pour Télescopique, EP étant le type de moto, toutes les 125 commencent pas E… Et EP, c’est aussi les initiales d’Edmond Padovani, le père de cette moto!)avaient une boite graissée par projections du vilebrequin, et un fonctionnement exécrable, grippage des fourchettes en pagaille! Pado a donc fait une modif de guidage des fourchettes un peu bricolo qui était monté en garantie, mais qui n’a pas résolu grand-chose… Les carters ont donc été cloisonnés pour que la boite trempe dans l’huile (0,8 litres d’huile, autant que dans une boite de 1000 BMW!), et un bon système de guidage des fourchettes a été installé après modif des moulages des carters moteur.
Plusieurs 125 tournent en carter décloisonné, sans problème de fiabilité, entre l’amélioration d’époque et les lubrifiants d’aujourd’hui…
Et si je comprends bien, la boîte décloisonnée, c’est un retour au système d’avant le C (cloison) d’ETPC ? Les premières 125 n’avaient pas de cloison entre la boîte et le carter moteur…
Alors merci, j’attends les retours au carburateur – pardon: les retours au sujet du carburateur!
Salut Claude.
Merci pour les compliments qui font toujours plaisir !
Oui, je vous livrerai mes impressions après les essais du Dell’Orto.
Vous me donnez l’idée de faire une page sur ce carbu.
En principe il n’y a pas de problème pour monter ce carburateur, même s’il est aussi prévu pour un 2 temps. Ce n’est que l’alimentation qui change.
D’ailleurs, vous dites que vous utilisez un carbu de 250 Kawa 3 cylindres. Une moto qui était munie d’un moteur 2 temps. Alors…
Mickie a sur sa Ténor un Mikuni et il en est content que je sache. J’ai tourné à Montlhéry sur sa machine et effectivement elle tourne parfaitement bien.
Magnifique reportage et magnifiques motos: ce que la Ténor est devenue après 52 ans d’évolution! Tous ces détails sur le moteur, la boîte, les carbus.. A propos, je serais très intéressé par un retour sur les essais du Dell’Orto quand il sera là. Il semble que ce soit un modèle prévu pour 2 temps, est-ce important? Dans le catalogue on ne voit rien dans cette gamme pour 4 temps. En ce moment j’ai un Mikuni 22 qui marche assez bien (mais pas parfaitement) je crois qu’il vient d’une Kawasaki 250 3 cylindres 2 temps. Il ressemble beaucoup au Dell’Orto, avec starter à câble.