Barcelone, exposition : Le circuit de Montjuïc.
Aux environs des années 70 j’aimais passer des séjours à Barcelone.
Je descendais à presque toutes mes vacances chez des amis, sur ma 250 YDS 3.
J’avais pris l’habitude d’aller rouler sur la piste du circuit de Barcelone qui était un tracé urbain au travers des rues et boulevards de la colline de Montjuïc qui domine cette ville.
Bien entendu la circulation y était celle d’une grande agglomération.
Bien entendu, je m’y donnais l’illusion d’être en course.
Le plus drôle était que j’avais des spectateurs extrêmement enthousiastes plus précisément en la personne des chauffeurs de taxis qui se poussaient pour me laisser passer et qui me faisaient signe que je pouvais foncer dans les parties sans visibilité. Après quelques tours, ils s’arrêtaient pour voir la Yamaha de plus près et faire des commentaires tout en me posant plein de questions sur ma machine. Il faut dire qu’en ce temps-là l’Espagne était fermée aux machines étrangères. Le dictateur au pouvoir, réglementait férocement l’importation de toutes les motos japonaises pour favoriser l’industrie locale.
C’est dire qu’un twin 2 temps japonais qui prenait 8500 tours dans un bruit de turbine les changeait des braves monos locaux.
Quelques années plus tard vers 1970 je revenais toujours sur ce tracé mythique avec ma 500 Kawasaki. Elle avait de la gueule avec sa couleur gris anthracite. Un modèle rare paraît-il. Et il m’arrive parfois encore de rêver que je la retrouve…
Oui, elle avait pas mal d’allure avec ses guidons bracelets, son frein à disque de 750 Honda.
Avec ses amortisseurs Koni et son bras oscillant renforcé.
Un petit éclaircissage des chicanes lui permettait de s’exprimer… avec tonicité ! Et en plus j’avais mis de gros gicleurs. Je ne sais pas si je gagnais quelque chose mais ils me faisaient engorger, lorsque je tombais en dessous de 6000 tours. Ce qui en ville faisait un peu vite…
Je devais avoir toujours sur moi un jeu de 3 bougies car il arrivait aussi qu’une ou l’autre claque.
À Barcelone avec cette Kawa, ça frisait l’émeute. Les « taxistes » étaient fous de curiosité. Les passant pas moins.
Mes amis Paco, Jimmy, Juan que je n’hésitais pas d’amener derrière dans ces courses dignes du Joë Bar Team m’en parlent encore.
Curieusement je ne me suis jamais fait arrêter par la Guardia Civil (la police) faut croire qu’eux aussi étaient intrigués !
En ce temps-là, j’avais envie de venir un jour assister à une course à Montjuïc. Comme je suis un optimiste nonchalant, j’ai toujours pensé que ce serait pour plus tard… Jusqu’au jour ou le circuit devenant trop dangereux, les courses ont été supprimées. Et un peu plus tard, le circuit de Montmelo créé.
Alors lorsque le Musée de la Moto de Barcelone a annoncé une exposition sur les 24 heures de Montjuïc, vous comprendrez que je m’y sois précipité !
Devant son succès, cette exposition a été prolongée de quelques mois, jusqu’au 8 septembre. Vous avez encore juste le temps d’aller la voir.
Le Musée de la Moto de Barcelone se trouve au n° 10 de la rue de la Palla, dans le centre du cartier gothique, près de la cathédrale.
Vous trouverez des renseignements sur le site du musée à : http://www.museumoto.com/en/
Je reparlerai dans une autre page de ce blog, des collections de ce musée qui valent vraiment une ou plusieurs visites, bien qu’il ne soit pas immense.
Plus tard aussi Patrick Barrabès racontera ses souvenirs de spectateur des 24 heures de Montjuïc …
Les 24 heures de Montjuïc avaient été créées en 1955, sur une idée de Francesc Xavier Bulto, inspiré par les 24 heures du Mans.
Mais on y courait également le Grand Prix d’Espagne.
C’est ainsi que Mike Hailwood et toutes les Honda à 4,5 ou 6 cylindres, ont pu y faire sonner leur magnifique musique. Et la montée dans les grandes courbes vers le stade Olympique résonne encore dans beaucoup d’oreilles…
Grâce aux photos de Juan Segura, (qui a photographié toutes ces courses et que je remercie ici) je peux vous montrer ci-joint des images ou l’on voit Hailwood, Pasolini et Taveri foncer sur les boulevard de Montjuïc, comme s’il se baladaient en ville.
Les spectateurs sont sur les trottoirs comme de vulgaires passants, à un ou deux mètres des machines qui passent en pleine vitesse.
Vous pouvez voir beaucoup de photo de Juan Segura sur le fabuleux site de La Maneta à :
http://www.lamaneta.net/motoguapa/MotoguapaFOTO.html
Au Musée de la Moto de Barcelone, plusieurs machines victorieuses de l’épreuve des 24 heures sont exposées.
Aux Ducati, Honda ou Laverda qui courraient aux 24 heures, je préférais la 360 Bultaco qui elle aussi m’a fait rêver et me fait toujours rêver, j’imagine parfois encore d’en remonter une…
La 360 Bultaco avait gagné en 1969 et 1972 aux mains de pilotes Catalans.
Salvador Canellas et Carles Rocamora, en 69, puis Juan Bordons et Benjamin Grau, en 1972, face a des machines de bien plus grosse cylindrée… Ce qui faisait mon bonheur !
Le circuit qui avait été aménagé en 1932, était composé par une douzaine de virages sur 3,790 km de long entièrement dans le parc de Montjuïc et les rues qui y aboutissent. On y tournait dans le sens inverse des aiguilles d’une montre.
Les Grand Prix d’Espagne Moto, comme celui des Formule 1, s’y déroulaient et le record du tour est détenu par Ronnie Peterson sur Lotus qui y avait tourné en 1, 23, 800.
Des pilotes français y sont venu régulièrement.
Godier et Genoud ont gagné en 1974.
Puis Christian Huguet avec Penti Korhonen sur Honda 997, gagnent en 1977.
Léon et Chemarin remporteront les 24 heures en 78 et 79, toujours sur Honda.
Eric Offenstadt y fut, peut être, le premier à y participer, il se souvient de Montjuïc :
Est ce vraiment nécessaire de présenter Eric Offenstadt ? Disons pour les plus jeunes lecteurs de ce blog, (oui, oui ! Il y en a…) qu’Eric est un prestigieux pilote de moto et d’auto qui a marqué l’histoire de la course au XXème siècle.
Eric Offensdadt a développé la 125 Motobécane en Grand Prix, entre autres machines comme les Kawa et sa fameuse But…
Eric est resté un infatigable chercheur qui a toujours proposé des solutions innovatrices tentant de chambouler les confortables habitudes des fabricants de moto. Ces derniers, obnubilés par la vente et les profits ne veulent rien changer ni rien faire évoluer. Surtout pas la partie cycle des machines et la liaison au sol qui sur le principe est restée la même depuis 60 ans.
Offenstadt est un homme d’enthousiasme, délibérément tourné vers ses projets d’avenir.
Eric Offenstadt ne cultive pas la nostalgie, mais il se souvient de Montjuïc avec plaisir.
Il avait vécu étudiant à Barcelone et connaissait par cœur cette ville. Quelques année après avoir quitté la Catalogne, ses études terminées, il y était revenu avec Jean Pierre Beltoise pour courir, en copains, avec une 125 Honda.
» J’y étais chez moi. Ce devait être en 1962 ou 1963. Notre machine de tourisme avait du mal à suivre les motos d’usine, les Bultaco et les Montesa qui gagnaient tout le temps.
On devait avoir un mécanicien avec nous, mais je ne m’en souviens pas. Pas plus que de notre classement, mais il me semble qu’on avait terminé.
Les écuries locales, Montesa ou Bultaco étaient très professionnelles et nous étions des amateurs.
Je suis revenu à Montjuïc en Grand Prix plusieurs fois, moto et auto, mais je n’en ai pas gardé de traces, j’ai oublié même les podiums car j’étais toujours emmerdé sur les podiums. Je ne savais pas quoi faire dans ces moments-là, quelle attitude adopter…
Un ami me rappelait récemment que j’ai couru à Jarama, comme à Montjuic, en 350 avec la Motobécane. Ce devait être en 1973.
Je me souviens de l’immense courbe à gauche après la ligne droite des stands, elle était très impressionnante.
La descente aussi avec tous ses virages.
Le moteur de la 350 Motobécane d’ Eric Offensdadt
Ce circuit était superbe.
L’ambiance était un peu comme dans les Pays de l’Est.
Sous une dictature qu’elle soit de gauche ou de droite avec Franco, le public a besoin de s’évader en voyant des courses et des coureurs qui viennent d’ailleurs. L’atmosphère était formidable tous les gens étaient passionnés et le public tellement chaleureux ».
Eric Offenstadt Septembre 2013
Hubert Rigal écrit dans Pit Lane son avis sur Montjuïc …
Un avis … tout à fait différent. Hubert ne semble pas enthousiasmé par la chaleur catalane mais il rapporte des souvenirs truculents !
Rappelons qu’Hubert Rigal faisait équipe en 1975 avec Jean-Claude Chemarin et qu’ils furent classés 9 ème sur une Honda.
L’année d’après, en 1976 avec Gilles Husson ils finirent vers la trentième place.
« Les courses urbaines en Espagne, merci, j’ai déjà donné .
Participé deux fois ( la première fois, j’avais pas tout compris ) aux 24 h de Montjuich ( en ville dans la banlieue de Barcelone ) En 1975 et 76 .
Et cette course là , c’est « le salaire de la peur » ou » peur sur la ville » . Cela se passait dans le parc de Montjuich sur les hauteurs de Barcelone . Une route bien sinueuse bordée d’arbres, de trottoirs, de cabines téléphoniques, etc … à peine protégées par quelques bottes de paille . Avec pour couronner le tout des montées et descentes, des plaques d’égout bien glissantes, une chaleur à crever ( en juillet ) et le tout sur 24 heures à deux pilotes .
Ce qu’on a fait, aucune bête ne le fera jamais . En plus, on aimait ça . Fallait être maso .
Pour ma deuxième participation ( en 1976 ) je pilotais une des Honda RCB avec René Guilli .
Il faisait tellement chaud et le circuit tellement exigeant, que j’avais demandé aux mécanos d’installer une réserve d’eau derrière le compte tours avec une pipette fixée sous le casque pour siroter un peu d’eau tous les trois tours. Tant qu’a faire, je leur ai demandé de remplacer l’eau par du jus d’orange pour que ce soit plus agréable ( véridique, on est un peu con quand on est jeune ) Et le pire, c’est que le Team Manager ( Jean louis Guillou ) a laissé faire . Donc, départ , et après quelques tours, sur un freinage appuyé, le couvercle de la réserve se fait la malle, et devinez ce qu’il arriva, le demi litre de jus d’orange à giclé sur la bulle et la visière du casque , bien poisseux .
J’y voyait plus rien.
J’ai du rentrer au stand pour changer le carénage, et j’ai eu droit aux félicitations du jury pour mon idée sublime .
Autre anecdote que j’ai surement déjà racontée , il y avait un concurrent japonais sur une Yamaha dont j’ai oublié le nom, qui se trainait ….
Mais qui se trainait …. c’est simple les 90 pour cent des concurrents lui collaient un tour tous les deux tours .
Comme il gênait tout le monde, à chaque passage, nous le dépassions avec 50 bornes de mieux aux ras des moustaches pour qu’il se pousse . Et je suppose que c’était pareil pour la plupart des concurrents .
Et à Barcelone pour les 24 heures, les organisateurs nous obligeaient à porter une chasuble par dessus le cuir
avec le numéro de course .
Le pauvre Japonais avait hérité du numéro 44 .
Hors , en Japonais , le numéro 4 signifie la mort .
Imaginez l’enfer que cela à dut être pour ce Japonais de se faire enfumer par 40 gus tous les deux tours
avec deux fois la mort sur le dos .
Je ne me souviens plus si il avait terminé les 24 heures . Il devait être terrorisé. »
Hubert Rigal http://www.pit-lane.biz/
D’autres français ont également été victorieux en 1981 et 1982 sur Kawasaki.
Tandis qu’un ministre de la République Française y a aussi participé plusieurs années, terminant à une honorable place de 11ème en 1975 avec Gilles Husson. (Précisons que le Ministre n’était pas en fonction en ce temps là).
Mais c’est le pilote Catalan Benjami Grau, qui en est le plus grand champion avec 7 victoires au total, dont les 4 dernières de 83 à 86 sur Ducati.
Montesa, une des autres usines Catalanes était bien entendu présente aux 24 heures avec des machines qui n’ont pas connu le prestige des Bultaco mais qui sont bien belles.
Une splendide mise en scène du stand Montesa est exposée grandeur nature et rend bien de cette ambiance qui devait régner sur cette course.
Je crois même reconnaître Benjamin Grau en discussion avec un des mécaniciens.
La petite Montesa exposée au musée est superbe; elle est dérivée des Impala.
Montesa avait gagné les 24 heures lors des deux premières éditions de cette course en 1955 et 1956 avec une 125.
Notons qu’en 1955 elle était pilotée par deux coureurs, Josep Maria Llobet, dit Turuta et Juan Soler Bulto membre à la fois, de la famille du collectionneur Mario Soler, qui a permis la création de ce musée et de la famille Bulto qui a créé un peu plus tard Bultaco, en 1958.
Montesa gagnera encore la course en 1963, puis en 1966, avec des 250.
Je retrouve pour mon plus grand plaisir une 250 Bultaco Metralla avec le Kit América au grand complet.
Ma Metralla neuve et avant pose du Kit América, puis la même que la mienne après transformation… il y a tant d’années !!!
Bultaco et Montesa furent les marques rivales après qu’un différent divisa l’équipe qui fabriquait les Montesa.
Ce qui donna naissance à une nouvelle marque, dont les ingénieurs dirigés par Paco Bulto créèrent alors Bultaco, plus tourné vers la compétition.
Tout à côté une 250 Rovena, superbe, attire mon attention et me fait penser à un ancien ami, aujourd’hui bien disparu…
Ces Rovena étaient équipées de moteurs bicylindre, Hispano Villiers en 250 ou 325, qui étaient fabriqués sous licence en Espagne.
La marque Sanglas avait créé Rovena pour produire des machines 2 temps plus sportives que les habituelles 4 Temps principalement utilisées par la Police.
La finition était soignée, mais en 1963 il était peut-être–être trop tard et leur production s’est définitivement arrêtée en 1966.
Et puis, pour que votre découverte du Musée de la Moto de Barcelone soit une véritable fête, je vous recommande d’aller après la visite, déjeuner tout à côté au restaurant qui s’appelle « Taller de Tapas », place Sant Josep Oriol au N° 9, connue aussi sous le nom de plaza del Pi.
www.tallerdetapas.com
Vous m’en direz des nouvelles…
Bon je vous laisse, j’ai ma Ténor à faire rouler.
Si j’y arrive pas, la prochaine fois
je vous donnerais la liste des erreurs
à ne pas commettre… quand on veut restaurer…