El Biscuter
El Biscuter
Texte : C Camberoque.
Photos : J Segura, JM Galindo et archives anonymes, DR.
Vous souvenez vous de cet engin étrange qu’on voyait en circulation dans la pauvre Espagne Franquiste des années 50/60 ?
Bien entendu cela ne nous rajeunit pas …
Le Biscuter a 60 ans !
Cette petite auto qui semble tout droit sortie d’une BD ou d’un magasin de jouets, fut fabriquée en Catalogne entre 1953 et 1959.
Un peu moins de 15 000 Biscuter sortirent de la fabrique de San Adrià de Besos.
Petite ville dans la banlieue de Barcelone, qui verra aussi quelques années plus tard, l’implantation de l’usine Bultaco.
A ma grande surprise c’est un ingénieur Français qui est à l’origine du Biscuter:
Gabriel Voisin (1880-1973) était un pionnier de l’aviation en Europe.
Constructeur et pilote des premiers avions utilisés pendant la guerre de 14/18,
puis de beaucoup d’autres pour une utilisation plus pacifique.
En 1957, Gabriel Voisin présente son biscooter au salon de Paris.
Le modèle sur les photos ci dessus sera la première version d’ou sera tiré le Bisuter Catalan, par Voisin et ses associés catalans.
Voisin construisit également des voitures de prestige qui se vendaient bien aux Etats-Unis.
Particulièrement à Hollywood, chez les vedettes de cinéma.
On dit que Rodolphe Valentino aimait rouler dans sa grosse voiture très art-déco, sortie de l’usine de Gabriel Voisin.
Donc Gabriel Voisin après la seconde guerre mondiale avait imaginé cet engin sur l’idée d’un bi-scooter, un scooter avec quatre roues.
Une petite voiture, entre scooter et 2 ou 4CV.
Toutefois, l’invention n’a pas été développée en France mais en Espagne.
En effet un jeune ingénieur barcelonais, Damien Casanova et quelques autres industriels
dont Josep-Maria Marcet, Maire de Sabadell;
fondèrent Autonacional SA après avoir acheté les droits à G Voisin
pour construire ce qu’ils appelèrent alors, le Biscuter.
Dans les années 50, il était impossible pour les Espagnols d’acheter une véritable voiture.
Ce rêve inaccessible représentait alors près de 10 ans d’un salaire moyen,
alors qu’un Biscuter semblait plus accessible puisqu’il en n’en coûtait que trois ans de salaire,
soit dans les 25000 pesettes de l’époque.
Le Biscuter est présenté à la Foire de Barcelone de 1953 et il y connaît immédiatement un grand succès.
La population avait besoin d’un véhicule pas trop cher.
L’aspect ludique de ce gros jouet rendait ses utilisateur heureux… mais un peu ridicules.
D’autant plus que sa carrosserie, pour le moins particulière, lui fit attribuer le surnom de : « la pantoufle » ! (zapatilla)
En attendant, on était content de partir en vacance en auto… enfin dans ce qui ressemblait à une auto…
A San Pol de Mar, un village de la Costa Brava on se souvient encore de l’Enriquet
qui avait un Biscuter peint couleur camouflage. Comme si sa micro voiture avait été un redoutable engin militaire.
Ce qui pour Enriquet, son propriétaire faisait preuve de plein d’ironie et de dérision envers son Biscuter.
L’Enriquet aimait préciser que pour freiner il était plus efficace de le faire en sortant le pied pour l’appuyer sur le chemin …
Le célèbre auteur de roman, Manuel Vasquez Montalban décrit la société espagnole au travers des enquêtes du détective privé Pepe Carvallo.
Montalban a créé, dans ses bouquins un autre personnage qu’il nome: »Biscuter », l’inséparable assistant de Carvallo.
« Biscuter » tient le rôle de secrétaire, cuisinier, homme à tout faire qui sort régulièrement son patron des situations rocambolesques où il se met.
Lequel, plein d’ingratitude, traite régulièrement « Biscuter » d’avorton…
La référence à la petite automobile catalane est évidente.
(Je vous recommande de lire les bouquins de Manuel Vasquez Montalban qui décrivent avec humour et formidablement bien la vie pendant l’époque franquiste).
Mais revenons a notre chère petite bagnole.
Il s’agissait d’une traction avant équipée de quatre roues indépendantes avec une carrosserie en aluminium.
La carrosserie était décliné sous plusieurs formes.
Le moteur prévu a l’origine par Voisin était un Gnôme-Rhône, mais il fut remplacé par un moteur 2 temps de 197 cc, fabriqué par Hispano Villier.
Ce moteur développait 9 CV et le Biscuter était sensé monter à 75 km/h…
Le refroidissement était mixte, air et huile.
La culasse d’aluminium était généreuse et débordait de part et d’autre du cylindre.
Cela lui donnait ce spectaculaire aspect pour un petit mono-cylindre de moins de 200cc.
Le carburateur était un Dell’Orto 24.
Transmission avant par 3 vitesses sans marche arrière.
Ce qui obligeait le conducteur a garer parfois son Biscuter en le soulevant et le déplaçant à la main !
Pour les modèles construits après 1955 une marche arrière était placée par inversion, ce qui procurait alors une marche arrière… à trois vitesses !
Les Catalans se moquaient de certains modèles…
… comme celui des photos ci dessus, qui était surnommé : « Quiero y no puedo ». (Je voudrais, mais ne peux pas)
Pendant quelques années le Biscuter connaitra un certain succès, décliné en plusieurs versions.
Les Biscuter apparaitront en course et dans des rallyes.
Notre ami catalan Joan Segura nous a envoyé quelques photographies de JM Galindo et de la collection de R Fargas.
Fargas était un ex-grand-pilote de l’usine espagnole Ducati Mototrans.
Un grand merci à tous les trois !
A voir la position du passager qui ressemble à un singe de side-car, on peut imaginer la tenue de route des Biscuter…
Des équipages de Biscuter participaient à la course de régularité de Santa Creu d’Olorda en 1957
et déjà à la course de cote de Vallvidrera en 1955.
Ce qui est certain et évident sur les photos de la collection de R Fargas, c’est que pilote et passager se marraient bien…
… l’important c’est de participer…
La production des Biscuter s’arrêtera à la veille des années 60.
Les Seat 600 produites sous l’impulsion de Franco qui n’aimait pas tout ce qui venait de Catalogne envahirent les routes d’Espagne.
Le Biscuter n’est plus qu’un souvenir pour ceux qui sont devenu des quinquagénaires…
Des rassemblements ont été effectues à Manresa et Barcelone que JM Galido est allé photographier.
Même les BD modernes s’emparent de l’image de cette petite auto rigolote
qui désormais est très recherchée par les collectionneurs.