Jean Roland, une vie courte mais flamboyante
Jean Roland : Une vie courte mais flamboyante.
Par Charles Camberoque
Comme je l’ai eu dit à plusieurs reprises, l’accident de Jean Roland en 1933,
sur le circuit des Grand Prix de Carcassonne est pour moi fondamental.
Il a déterminé plusieurs années d’écriture et de recherche
qui ont donné lieu à la publication de mon livre : Le circuit oublié.
Souvenez vous, je vous avais raconté que mon père, témoin à ses 16 ans, de l’accident qui devait entraîner la mort de Jean Roland,
en avait gardé un si mauvais souvenir que plus tard il essayât de me dissuader de faire de la moto.
Il me rappelait cette mort tragique de façon récurrente.
Moi qui ne croyais pas un mot de ces souvenirs et de cette histoire paternelle, j’ai tout de même cherché à en savoir plus long…
Et j’ai découvert à ma grande surprise l’existence de Grand Prix moto à Carcassonne dans les années de jeunesse de mon père.
La réalité de l’accident mortel de Jean Roland s’est alors imposée. Mon père avait raison !
Ainsi je me mis à écrire Le Circuit oublié, l’histoire des courses de vitesse à moto dans l’Aude.
Puis le livre a été publié et pour mon grand plaisir, des lecteurs m’ont contacté après l’avoir lu…
(et acheté sur internet où il est vendu. Qu’on se le dise !).
Josiane et François Jolly
Josiane et François Jolly m’ont écrit bien gentiment pour me faire part de leur enthousiasme à la découverte de mon bouquin…
… et pour me donner des informations extrêmement intéressantes sur Jean Roland…
Grâce à eux, je vais donc vous parler de ce pilote méconnu qui a eu une vie courte mais flamboyante.
Je remercie Josiane et François Jolly, tous deux grands collectionneurs que l’on voit sur la photo ci dessus
avec l’un des joyaux parmi leurs machines: une Delage D6, 3 litres, de 1939 au palmarès éblouissant.
Sur cette image ils sont en compagnie de Thierry Sutter, Philippe Monneret, Dominique Méliand, JP Mongins,
Patrick Plisson, Gérard Debrock, Georges Fougeray.
Cette voiture qu’ils possèdent depuis plus de 35 ans, a couru les 24 Heures du Mans 1939,
pilotée par Louis Gérard et Georges Monneret, l’ami de Jean Roland.
Jean Roland fils du Nord
Jean Roland fils du Nord, est né en 1910. Son père était médecin à Charleville dans les Ardennes.
Dés l’âge de 16 ans Jean vient à la compétition sur une 350 Saroléa, puis sur une 500cc BSA Racing.
Il court sur le circuit de régularité des Ardennes.
Raymond Tykoczinski excellent pilote, dont les qualités sont louées par Eric Jaulmes,
est le plus important concessionnaire Motobécane du Nord-Est de la France.
Du fait de ses activités dans sa boutique et ses ateliers, Tykoczinski n’eut qu’une carrière de pilote cantonnée à sa région.
C’était un habile sidecariste et s’il courait, il faisait aussi courir de nombreux jeunes pilotes
et participait à l’organisation d’épreuves locales.
Dans une lettre que me communique Patrick Barrabès, Tyko fait part à Abel Bardin des résultats d’une 350 Motobécane
dans une course de 650 km sur les routes des Ardennes en 1931.
Notons la moyenne plutôt incroyable qui est de 90 km /h !
Tyko remarque Jean Roland et va l’initier à la conduite sportive.
Ce sera, entre eux, le début d’une amitié fidèle.
Jean Roland et Raymond Tykoczinski
François Jolly qui doit lui aussi à Tykoczinski sa passion pour la moto, la belle mécanique,
la collection de machines et la conservation des documents se souvient :
« On peut écrire que la longue existence de Raymond Tykoczinski, qui s’est achevée en 1989, à l’âge de 84 ans,
devait être toujours marquée au coin du souvenir et de l’empreinte de la lumineuse amitié de jeunesse
qui l’avait uni à son camarade Jean Roland…qu’une carrière aussi météorique que fulgurante,
trop tôt brisée par la mort à la fleur de l’âge, n’empêcha pas d’être l’un des meilleurs champion motocyclistes français
de la période des premières années 30 … Cette disparition causa également à Raymond Tykoczinski un très grand chagrin :
Depuis 1933, un portrait de Jean Roland devait demeurer accroché au dessus de son bureau personnel…
et l’est encore aujourd’hui au dessus de celui de son fils Jean, mon ami de jeunesse, concessionnaire MBK et propriétaire d’une Bugatti 37».
Je n’ai de Jean Roland que des photos anciennes rongées par le temps et qui s’effacent doucement.
Petit à petit l’image de J Roland disparaît comme absorbée par les feuilles de papier; tout comme dans les mémoires
et il me semble qu’il est bon de raviver le souvenir d’hommes comme lui.
Dans l’envoi des documents de Josy et François Jolly, je trouve du courrier envoyé par Jean Roland à son ami de Charlesville.
Quelle émotion que de lire cette lettre écrite par Jean à Raymond Tykoczinski !
« Les liens très étroits qui unissaient Jean Roland à Raymond Tykoczinski apportèrent en même temps à ce dernier, par effet induit,
l’amitié de Georges Monneret, qui devait perdurer au fil du temps» écrit François Jolly.
Jean Roland et Georges Monneret
C’est ainsi que Georges et Jean se rencontrent et courent ensemble.
Dans un article, publié en 1983, dans le quotidien Régional l’Ardennais Raymond Tykoczinski évoque ses souvenirs :
A Montlhéry Roland voit souvent Monneret « et tout de suite les deux jeunes gens sympathisent. Ils ne se quitteront plus.
Monneret apprécie la qualité de pilotage de Roland. Ils vont faire une fameuse équipe.
Le constructeur Derovin qui renouvelle son équipe engage Monneret qui fait le nécessaire pour que son copain ne le quitte pas
et entre aussi chez Rovin. Courses de côte, records battus, circuit, tout cela se succède…
Les performances des 250 et 500 JAP de Rovin deviennent insuffisantes. Il faut chercher autre chose.
Monneret passe chez Monet Goyon et Roland acquiert une 500cc Rudge… les résultats sont là…
Les commentaires élogieux et les photos s’étalent dans Moto-Revue. L’équipe est maintenant bien soudée.
Ils proposent à la firme Monet-Goyon de s’attaquer au record du monde des 24 heures catégorie 350cc…
… La piste de vitesse de Montlhéry n’est pas éclairée. Qu’importe.
Ils placeront des lampes tempête en bordure de piste tous les 50 mètres…
Recordman du monde à 23 ans. C’est la grande joie. La réussite sera fêtée dans le cadre de l’inauguration du magasin de Montrouge où les ardennais furent invités…
En effet, c’est à cette occasion que les deux copains qui avaient décidés de s’associer, inaugurent leur grand magasin de Montrouge.
Le tout Paris sportif était également là ».
En 1932 Jean Roland se présentait au départ du Bol d’Or.
Il était accompagnée par son amie la chanteuse Lucienne Boyer
qui restera pour toujours l’interprète de l’inoubliable chanson : Parlez moi d’amour.
Le Palmares de Jean Roland
Les victoires se succèdent, en 1932 Jean Roland gagne les courses de côte de Marseille et Gometz le Chatel ou il bat le record des 500cc.
Il remporte le Grand Prix de Loraine et de Picardie et s’attribue également la victoire sur le circuit de Saint Quentin à Nancy,
devant Debaisieux qui sera le premier pilote à mourir en Mars 1933,
suite à un accident sur le Grand Prix de Carcassonne le 11 juillet 1932. (Voir Le Circuit Oublié page 58).
Mon souhait serait d’ériger une stèle sur l’emplacement actuel du circuit de Carcassonne à la mémoire de ces deux coureurs.
Espérons que je sois entendu…
A la fin du mois de Mai de 1933 Jean Roland revient à Charleville pour essayer la Tyko-Spéciale de son ami Raymond Tykoczinski …
… Mais le 23 juillet 1933, c’est le terrible accident de Carcassonne, pendant la course des 500cc.
L’accident
Georges Monneret dans un Numéro de L’Automobile de 1949, et dans son livre Vive la Moto, se souvient :
« Mon plus mauvais souvenir ?
A Carcassonne, en 1933, le jour de la disparition de mon ami Roland.
Vivrais-je cent ans que je n’oublierai jamais la disparition tragique de mon ami, de mon bon copain, de mon frère de lutte Jean Roland….
Un frère !
L’accident le plus formidable que j’ai jamais vu.
Roland qui n’y voyait pas très bien, tentait de doubler à 165 km/h, le champion espagnol Vidal.
La roue de Roland heurte et s’accroche à la béquille de Vidal. Roland est projeté à plus de 6 mètres de hauteur comme un pantin désarticulé.
Il avait déjà la colonne vertébrale brisée…
En retombant, il s’est si malencontreusement reçu qu’il s’est fracturé le crâne.
Il s’est éteint sept heures plus tard dans mes bras
et moi, qui me prend parfois pour un dur de dur, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps…
Vidal qui n’avait ni entendu ni ressenti le contact avec Roland, avait traîné la moto en flammes de ce dernier pendant plusieurs centaines de mètres avant de s’en rendre compte.
Les spectateurs de Carcassonne, j’en suis persuadé, doivent se souvenir avec une épouvante rétrospective ces secondes tragiques. »
Georges Monneret ne croyait pas si bien dire puisque mon père m’en parlait encore, 50 ans plus tard !
Pour perpétuer la mémoire de Jean Roland
Pour perpétuer la mémoire de ce pilote de talent, en 1953 un Prix : Jean Roland est institué par l’Union Motocycliste des Ardennes
qui crée un circuit de vitesse national à Charleville.
Jean Roland repose depuis 1933 au cimetière de Charleville prés de la tombe d’Arthur Rimbaud, un autre géant, mais de la poésie cette fois.
La poésie même, que Jean Roland, homme cultivé, devait apprécier dans les chansons populaires comme celle de son amie Lucienne Boyer.
Oui ! Désormais, lorsque vous entendrez chanter sa chanson qui a traversé les ans : « Parlez moi d’Amour… »
J’espère que vous aurez un frisson d’émotion en ayant une pensée pour Jean Roland.