Les casques Prats
Les casques Prats
Joan Prats, des passions éclectiques…
Photos de Joan Segura et anonymes droits réservés.
Texte et archives de Joan Segura et C Camberoque
J’aime beaucoup établir des connexions entre les différents mondes qui composent la richesse de notre société.
Rapprocher le monde de la moto de celui de l’art m’amuse beaucoup.
Lorsque Joan Segura m’a raconté l’histoire des casques Prats, j’ai immédiatement eu envie de la raconter ici.
Joan Segura m’écrit : En lisant ton article sur Jean-Luc Grenois,( Collectionneur d’histoires de casque article mis en ligne le 1er Juillet 2015 )
tu m’as rappelé un des premiers casques que j’ai eu.
C’était au début des années 60. Joan Prats me l’avait fait sur mesure.
Joan Segura et ses amis avec des casques Prats
Le magasin de Joan Prats était une vieille institution tenue par sa famille, à Barcelone, depuis trois générations et fondée en 1845.
Primitivement installés rue Ferran, ils ont déménagés la boutique en la réinstallant à l’identique mais dans un cartier plus huppé.
De gauche à droite : Rafael Canogar, Leopoldo Pomés, (photographe publicitaire, probablement auteur de la photo) Antonio Saura, Manolo Millares, René Metras et Joan Prats.
A Barcelone en 1959, des amis artistes de Prats posent devant sa boutique.
La boutique, essentiellement de chapeaux, se trouvait au 54 de la Rambla de Catalunya à Barcelone.
Chez Prats, on proposait toute sorte de couvre-chef, haut de forme, panamas, melons, des casques coloniaux et d’autres, de protection, pour l’industrie…
Ses casques, très réputés, étaient portés par beaucoup de motards et de pilotes moto et auto de l’époque.
Les casques moto étaient des imitations de Cromwell.
Avec un appareil particulier, Prats prélevait les dimensions de ta tête et adaptait le casque précisément au profil de ton crâne.
Ce casque m’allait parfaitement bien, précise Joan Segura.
Lorsqu’on feuillette des revues des sports mécaniques des années 50/60 on peut découvrir des publicités pour les casques Prats.
Ces derniers furent par la suite concurrencés par les casques Duraleu Forte de la fabrique d’Oriol Regàs qui eux, étaient de plastique injecté.
Joan Segura n’a pas raté la photo de son frère sous son casque flambant neuf et sur sa Ducati qui se fait contrôler par un guarde-civil à moto (qui lui ne semble pas porter un casque Prats).
D’autre part, Joan Prats était une importante personnalité du monde de l’art en relation avec les importantissimes figures de la peinture de cette époque qui se donnaient rendez vous dans sa boutique.
On décrivait Joan Prats comme un homme toujours souriant et aux bras éternellement ouverts à tous les artistes qui venaient le rencontrer dans sa chapellerie.
Joan Prats avait une vision très pertinente du monde de l’art.
Son goût était très sûr et ses conseils étaient très recherchés.
Sur des catalogues, encore à l’ancienne adresse, on peut admirer ces superbes couverture qui sont des gravures faite par un talentueux artiste de l’époque dont la signature est malheureusement illisible.
Quant il était jeune, Prats voulait se consacrer à la peinture et suivait des cours au Cercle San Lluc.
(Le Cercle San Lluc était installé dans l’ancien local des Quatres Gats ou venait Picasso et Juan Gris ).
Là, il rencontra Gaudi (grand architecte catalan qui construisit entre autre la Sagrada Famillia).
Prats y fait également la connaissance de Joan Miro et une grande amitié naquit alors entre eux deux.
« En voyant travailler Miro, j’ai compris que, moi, je n’apporterai rien à l’Art.
J’ai accepté alors la demande de mon père de me consacrer uniquement à la chapellerie familiale ».
Prats ne reniera pas ses copains artistes pour autant, il va continuer à être leur ami et à les fréquenter assidument.
Miro en 1933 exécutera ce dessin-collage en hommage à Prats et son magasin.
Miro restera son fidèle ami.
L’architecte Josep Lluis Sert , Antoni Tàpies, Calder, Garcia Lorca, le photographe Joaquim Gomis où encore le compositeur Edgar Varèse…etc
… se retrouveront dans la chapellerie Prats. (Edgar Varèse qui est aujourd’hui considéré comme le père de la musique électronique)
J Prats, J Miro et J Gomis.
Tàpies disait que Prats a fait découvrir à Barcelone les nouvelles possibilités d’expression artistique de l’avant-garde artistique des années 30.
Prats et l’architecte JM Sert
Après la Guerre civile Prats refusa de s’exiler et resta à Barcelone.
Il deviendra éditeur et ouvrira une galerie d’art en plus de ses activités de sa boutique de chapeaux et casques.
Il publiera en 1944 des lithographies de Miro et puis des livres qui font encore référence en matière d’art et d’architecture.
Il exposera les œuvres de Dali, Picasso, Paul Klee, Max Ernst…
Mais par dessus tout Prats a communiqué sa foi pour l’avenir de la culture.
Il était aussi le symbole de cet esprit toujours en lutte contre l’injustice et la marginalisation.
Joan Prats est mort en 1970 sans assister à l’inauguration de la Fondation Miro qu’il avait imaginé avec Miro et Sert. (Ni y voir mes photos qui y furent exposées plus tard… !)
De nos jours la boutique de la famille Prats est devenue un magasin de luxe qui a gardé la célèbre devanture.
Comment cet homme si particulier en est il venu à produire des casques de moto ?
Comment a t’il pu être intéressé à la fois par l’art et la fabrication de casques ?
Roulait il en moto lui même ? Mystère !
Joan Segura a enquêté sur cette question mais sans trouver de réponse.
Prats est mort il y a bien longtemps plus personne ne se souvient de ce détail.
Les informations à ce sujet seront les bienvenues.
En attendant il reste cette incroyable histoire de casque qui ravira, j’en suis sûr, un autre créateur… Jean Luc Grenois !