Terramar photographié par Lucien Roisin
Terramar photographié par Lucien Roisin
Photos : Lucien Roisin collection Famille Segura - Texte : C Camberoque
Reproduction interdite sans accord des auteurs
Lorsque Joan Segura m’a parlé de ses photos anciennes, je n’ai eu qu’une hâte : les voir !
Depuis près d’un siècle il y avait à Barcelone, dans la famille Segura un petit album de photographies que le grand-père avait acheté à l’époque de l’inauguration et des premières courses du Circuit de Terramar en Catalogne.
Voir l’article que j’avais déjà fait sur Terramar : Le circuit de Terramar
Le circuit de Terramar se trouve non loin de la ville de Sitges où il a été construit au début du 20 ème siècle.
Depuis les hauteurs qui entourent le circuit on pouvait voir au loin, cette charmante cité balnéaire et son clocher au bord de la Méditerranée.
Depuis, les constructions ont chamboulé le paysage. Mais le circuit, monstre de béton, est toujours là !
Victorio Segura Antón, le grand père de Joan, allait voir des courses sur le circuit de Terramar.
Il y avait acheté un petit livret qui rassemblait entre des feuilles de papier fin, une quinzaine de photos du circuit qui était une grande nouveauté pour l’époque.
Victorio Segura Antón n’était pas spécialement intéressé par les sports mécaniques.
Il était allé plusieurs fois à Terramar pour accompagner un ami fortuné et automobiliste qui, lui, était passionné par la conduite et les voitures.
Ils partaient depuis Barcelone par la dangereuse route des côtes de Garraf. Elle était connue pour ses nombreux virages qui n’en finissaient plus.
D’ailleurs, pour éviter cette route, certains venaient depuis le port de Barcelone en bateau.
L’ami de Victorio conduisait tellement vite qu’il rendait son passager malade.
Un jour, le futur grand père alors âgé d’une trentaine d’année, pris du mal des transports, vomissait par la fenêtre de la voiture au moment où un policier motard les doublait.
Ils durent alors s’arrêter pour s’excuser au près du motard de la Guarde Civille qui ne devait pas être beau à voir !
Plus tard Victorio, le grand père, aimait raconter à ses petits enfants cette anecdote. Joan en rit toujours !
Lucien Édouard Roisin Besnard,1876-1943, est l’auteur de cet album de photos.
Né à Paris, il était déjà connu pour ses photos de la butte de Montmartre qu’il avait prises au début de XXème siècle.
A l’âge de 21 ans, en 1897, Roisin s’installe à Barcelone.
Rappelons que la photographie inventée par Nièpce aux alentours de 1826 avait vite évolué et s’était démocratisée rapidement.
Cette nouvelle technique était encore une grande nouveauté lorsque Lucien Roisin arrive en Catalogne.
La photographie qui n’était pas à la portée de tout le monde, restait encore comme une pratique quasiment magique.
Après la première guerre mondiale, que Lucien Roisin passe à Verdun, il revient à Barcelone avec ses neveux seuls rescapés de sa famille décimée par la guerre.
En plus de photographe il devient éditeur de cartes postales.
Sa boutique, La casa postal, se trouvait sur la Rambla Santa Monica au N° 29 et a fermé en 1962.
Il y travaillera jusqu’à sa mort, photographiant avec son neveu, tandis que sa nièce s’occupera de la vente à la boutique qui a employé jusqu’à une dizaine de vendeurs.
Des institutions catalanes conservent actuellement ses photographies qui ont failli disparaître.
Lucien Roisin a accompli un travail d’ethnologue en captant ces images qui sont un témoignage précieux sur la Catalogne et l’Espagne de cette première moitié du XXème siècle.
Preuve en est, ce reportage sur le circuit de Terramar.
Ainsi Lucien Roisin aura marqué l’histoire de la photographie en Espagne.
Merci à Juan Segura de nous faire profiter de ce petit trésor familial.
Une lecture attentive des photos de Roisin révèle beaucoup de petits détails intéressants.
Sur la photo ci dessus on voit les tribunes remplies d’un public nombreux qui a dû garer ses voitures sur l’espace central du circuit. (Voir plus haut).
La ligne de départ et d ‘arrivée se trouvait là, mais les motos tournaient dans le sens des aiguilles d’une montre et les voitures dans l’autre sens.
Plus tard les tribunes ont été recouvertes par une toiture en amiante qui protège les garages situés en dessous (photo récente en couleur).
Beaucoup de constructions ultérieures, à l’intérieur de l’anneau seront recouvertes de toitures d’amiante ce qui actuellement pose un problème économique sérieux pour désamianter ce lieu.
Dans plusieurs photos on découvre en regardant bien, des militaires armés de fusils qui surveillent la piste.
Etrange !
D’autant plus que cette période était plutôt calme en Espagne.
Mais peut-être que cette photo a été prise précisément en 1923 pendant l’inauguration du circuit à laquelle était présent le Roi Alphonse XIII.
L’armée devait alors protéger le Roi.
Sur une autre image (voir plus haut) on peut voir les rails d’un petit chemin de fer à voie très étroite qui longe l’intérieur de la piste.
A quoi cela devait pouvoir être utile ? Mystère …
Dans les courbes les voitures empruntent la piste à différentes hauteurs suivant la vitesse atteinte.
Sur la photo récente le doigt anonyme d’un maçon a marqué dans le béton frais la date de construction et d’inauguration du circuit.
Actuellement propriété privée, le circuit est fermé et on ne peut le visiter qu’en s’adressant à l’Office de Tourisme de Sitges.
La fraîcheur de ces images est étonnante et en les regardant, on imagine la rumeur du public et les hauts parleurs nasillards du commentateur.
On entend comme la rugissement des moteurs lancés à fond sur l’anneau de béton de Terramar.
On imagine les regards des spectateurs qui se pressent aux différentes buvettes pour boire certainement du Cinzano, si l’on en croit une des rares premières publicité affichée en bord de la piste.
Et c’est ce béton qui constitue la piste à raison de centaines de tonnes qui a préservé ce circuit d’une destruction certaine par les promoteurs qui ont construit tout autour.
Démolir ce monstre de ciment, de béton et de ferraille pour construire sur ce vaste espace aurait coûté trop cher !
Grace à cela, Terramar est resté intact. Il constitue aujourd’hui le vestige précieux de toute une époque et il faudrait restaurer ce monument pour le ranimer enfin.
Je suis sûr qu’alors il attirerait encore des passionnés des sports mécaniques et de l’Histoire industrielle automobile et motocycliste. Peut être même de l’Architecture.
Des tentatives de restauration ont été entreprises mais il semblerait que le coût du désamiantage pour que le lieu soit conforme avec une ouverture au public, plus des difficultés pour que les héritiers et les municipalités s’entendent, compliquent et ralentissent l’opération de réhabilitation.
Depuis mon dernier article mis en ligne en octobre 2013, rien n’a beaucoup évolué, hélas…
Voir le précédent article sur ce blog à la page : Le circuit de Terramar
Déjà, parcourir cette vieille piste à pied est émouvant. Monter au plus haut dans les courbes donne une sensation étonnante. Aller y rouler semble impossible et c’est interdit.
Les garages sous les tribunes font rêver et je ne peux que conseiller tout le monde à aller visiter Terramar.
Attention ! On n’entre pas comme ça, il faut s’adresser à l’Office du tourisme de Sitges et ils n’organisent (pour relativement cher) des visites qu’à partir d’un certain nombre de personnes…
Merci pour ton message, ça me fait toujours plaisir…
Charles, une fois de plus je suis sous le charme. ! ! !quelle qualité exceptionnelle que ces photos ! ! !
Un régal, on sent l’huile chaude sur le béton brulant……….
Moi ça me fait rêver………….
tourner avec ma F3 de 1969…même à 60 à l’heure………….mais que ce doit être magique………..
Un passé si proche et si loin…….
Des minutes de bonheur….tu m’as encore prodigué des minutes de bonheur.
On dirait que les images fixes vont bouger…….et que le film va débuter…..
Tiens au fait, as tu élargi tes recherches au Terramar en film d’époque….? bonne idée non ?
Amitiés
Jean-louis