Moto de courses et télévision
Moto de courses et télévision
Par C Camberoque Photos DR
Habitués et un peu blasés que nous sommes à voir toutes sortes d’images à la télévision, nous en viendrions à oublier que certaines retransmissions représentent à elles seules de véritables performances.
Lorsque nous regardons un grand prix, certes ce sont les pilotes et les motos qui en sont les héros, mais les équipes de télévision qui diffusent en direct ces images établissent elles aussi un extraordinaire exploit.
Eurosport TT 2016
En effet, si la Dorma est bien connue pour organiser les championnats du monde.
Elle est moins connue pour sa filiale l’entreprise Dorma Sport TV Production qui filme et diffuse l’intégralité de la saison des Grands Prix .
En quelques années, la qualité, la précision, la régularité et la réalisation sans faille de ses reportages est devenue éblouissante.
Elle a atteint une admirable perfection.
De plus, la Dorma nous offre depuis peu des images en direct depuis les motos en piste, ce qui est un apport incroyable au spectacle de ces courses.
Moto 3, 2016
Tout avait commencé timidement en Juin 1985 notamment sur le circuit d’Assen en Hollande.
La tentative était plutôt expérimentale.
On avait installé une caméra de TV sur le carénage, à l’avant d’une moto de course.
Il parut judicieux de l’installer sur la moto de Randy Mamola, le pilote qui était en ce temps là, l’éternel second.
Eurosport TT 2016
Randy Mamola eut droit à une trop grosse caméra embarquée sur l’avant de sa Honda.
Et à l’arrière une antenne en forme de coupole pour la transmission des images.
Ainsi on pourrait filmer celui qui en le devançant serait en tête du grand prix !
On n’avait pas envisagé que le jour de la course il pleuvrait et que Mamola était redoutable sur le mouillé.
Eurosport TT 2016
Randy fit toute la course en tête pour sa seule et unique victoire de cette année.
Résultat à l’image : On vit essentiellement des prises de vue représentant le circuit plutôt vide, puisque Mamola était le premier
et des gouttes de pluie qui s’écrasaient sur l’objectif de la caméra.
Sous ces intempéries le dispositif tomba en panne au bout d’un petit moment après le départ.
Bref, bien peu de choses pour les téléspectateurs qui ne doivent pas être nombreux à se souvenir de ce jour historique pour la télévision.
Heureusement que les techniciens et réalisateurs ne se découragèrent pas.
Ils continuèrent leurs recherches pour améliorer ce procédé qui allait constituer une révolution qualitative dans la représentation des courses en emmenant le téléspectateur comme « passager » sur les motos des champions.
Bol d’Or 1977
Souvenez vous : la préhistoire de la TV !
8 ans avant Randy Mamola, en 1977, Patrick Barrabès se souvient d’une équipe qui devait travailler alors pour Antenne 2.
Patrick raconte :
« J’ai pris cette photo de Kork Ballington pendant les essais du Bol 77.
Il préparait avec les techniciens de la 2 ème chaine de télévision un tour du circuit Bugatti filmé.
La caméra est une Beaulieu 16mm.
Nous sommes en pleine préhistoire par rapport au matos utilisé aujourd’hui ! »
Eurosport TT 2016
Ainsi les Grands Prix Motocyclistes sont devenu un spectacle télévisuel qui est probablement l’un des plus palpitants de tout ce qu’on peut voir sur notre étrange lucarne.
On peut d’ailleurs dire qu’on voit mieux les courses de moto à la TV qu’en étant sur le bord des circuits.
Une sacrée ambiance en moins tout de même.
La télévision grâce à son merveilleux don d’ubiquité nous amène à participer aux courses depuis la ligne de départ en passant par la piste, par les drones et les hélicoptères, par les stands et même maintenant depuis les motos, tout à côté des pilotes.
GP de Valence 2016
L’un des derniers dispositifs sidérants est cette caméra gyroscopique installée sur le dosseret de selle de certaines machines.
Dans toutes les positions de la moto elle maintient totalement horizontal le paysage de la piste, ce qui bien entendu souligne l’inclinaison ahurissante des motos en courbe et évoque parfaitement ce que le pilote voit du moins à l’avant…
Depuis 2010 la caméra gyroscopique a équipé tout d’abord la moto de Rossi, puis plusieurs autres machines de champions moins titrés.
Actuellement la camera gyroscopique est arrivée à un point important de miniaturisation.
Son poids et sa taille comme on peut voir sur la photo suivante ont été considérablement réduits.
La branche Dorma Sport détient quasiment tous les droits de diffusion des images des Grand Prix.
Ce qui veut dire de grosses entrées d’argent, donc des moyens importants pour développer l’ensemble des équipements nécessaires pour ces retransmissions depuis toutes les caméras, en passant par l’énorme dispositif électronique qui permet de relayer, centraliser, enregistrer et diffuser ces reportages.
Pour cela plusieurs sociétés sont les fournisseurs technologiques des équipements de la Dorma.
Mais c’est le partenariat espagnol Dorna/UAV Navigation qui a vraiment accompli un travail fantastique en concevant ce chef d’œuvre de technologie qui permet cette incomparable façon de filmer les courses de moto.
GP de Valence 2016
D’autre part, les dispositifs qui filment la course depuis les motos sont eux-mêmes commandables à distance.
Depuis la régie on cadre, on zoome, on fait pivoter grâce à des servo-moteurs minuscules les caméras pour suivre, par exemple, une moto qui double.
Souvenez-vous de ces images étonnantes où, pendant le Grand Prix de Valence, on a vu Andrea Iannonne arriver de l’arrière sur Valentino Rossi pour le doubler tandis que la caméra pivotait pour suivre Iannonne dans sa manœuvre.
4 à 5 caméras sont installées sur chaque moto !
A l’arrière, la caméra gyroscopique sur le dosseret.
Une deuxième caméra toujours à l’arrière est fixée à un niveau bas, d’où l’on voit en amorce la roue et, en arrière plan, la piste et les pilotes qui suivent.
Troisième caméra à l’avant sur le carénage pour voir les pilotes qui précèdent et également une quatrième sur le guidon pour avoir les mains, la tête et le corps du pilote en pleine action.
Parfois une cinquième caméra est installée au niveau des pieds du pilote pour filmer le passage des vitesses essentiellement et l’asphalte qui défile.
En plus des images et du son
Au cœur de ces créations de haute technologie, des puces électroniques fournissent des données, indiquant en temps réel où se trouve la moto sur le circuit, sa vitesse, ainsi que son angle d’ inclinaison.
D’autre données sont incrustées depuis la régie.
Sur les motos un réseau de câbles amènent les images et les données collectées depuis les caméras et les micros vers une unité digitale centrale, puis vers un ordinateur.
Le tout est transmis par l’intermédiaire d’antennes situées à l’arrière.
Le poids de l’ensemble ne dépasse pas les 1,8 kg.
Chaque année, lorsque les usines se préparent pour la saison à venir, elles doivent intégrer au design et à la construction des motos tout ce matériel médiatique et ces impératifs en matière d’enregistrement et de transmission en direct des images.
35 tonnes d’équipement !
Mais ce n’est pas tout, car pour filmer depuis le bord de la piste en même temps que depuis les motos de course, il faut installer 35 tonnes d’équipement qui sont transportées de circuit en circuit.
Sergi Sendra, Directeur de Dorma Sports TV Production
Sergi Sendra, Directeur de Dorma Sports TV Production, précise que pour filmer un GP il faut installer tout le matériel dès le lundi pour réaliser tous les réglages nécessaires au fil de la semaine. Sachant que suivant la météo ils peuvent changer…
Dans tous les cas, des kilomètres de câbles sont déroulés tout autour des circuits, dont 26 km de fibre optique et 22 caméras dont des steadi-cam . Le tout étant réparti à chaque fois de façon différente en fonction des diverses combinaisons des pistes.
La fibre optique qui remplace les câbles classiques, a l’avantage de ne pas générer de perte du signal.
Dans un proche avenir d’autres bonds qualitatifs sont encore prévus.
Régie au GP de Catalogne.
Enregistrements d’images à haute vitesse
La dernière évolution concerne les enregistrements d’images à haute vitesse, soit de 1000 à 2500 images /seconde, permettant de capter des images que l’oeil humain ne peut pas voir dans la réalité.
C’est grâce à ces images que Ducati a pu comprendre la cause d’une légère instabilité des machines qui apparaissait suite à certaines vibrations du garde-boue avant qui ne se percevaient pas autrement.
Certains faits de course sont également révélés par la télévision.
Comme cet accrochage du spolier avant de la Ducati sur le dos de Marquez.
Pour le téléspectateur les longs ralentis des passages en courbe des motos sont fascinants de beauté et on ne s’en lasse pas.
Tout comme on ne se lasse pas de regarder les Grand Prix, nous laissant un curieux vide télévisuel lorsque la saison des courses s’achève et en attendant que le championnat recommence pour une nouvelle série de courses toutes aussi passionnantes les unes que les autres.
En conclusion, je citerai Francesc Bracero, journaliste à La Vanguardia, qui a écrit : « Dans le monde de la moto GP, l’introduction de la télévision n’est plus ressentie comme un intrus gênant, comme cela se ressent dans d’autres compétitions, mais comme un allié. La popularisation de ses retransmissions le démontre parfaitement »
Si l’exploit sportif est sur la piste avec les pilotes comme héros, une autre performance technologique est celle qu’accomplissent les techniciens de Dorma Sport TV Production pour notre plus grand plaisir.
Plus d’informations :
« Interview with Sergi Sendra, director of Dorma Sport TV Production »
https://motomatters.com/blog/2013/04/29/photographer_s_blog_interview_with_sergi.html
« Un plato a 350 km/h » Reportaje Francesc Bracero
La Vanguardia, Domingo 4 diciembre 2016
Premières images filmées depuis une moto en GP
https://www.youtube.com/watch?v=8wF1NohkTlc