BENELLI 105 ans de passion italienne
Par Patrick Barrabès
Nous sommes à Pesaro, petite ville côtière située sur la « tige » de la botte italienne, à quelque 30 kilomètres en dessous de Rimini.
Photo de famille, en 1911 dans l’Italie du début du 20 ème, la famille Benelli pose autour de la « Mama ».
En cette année 1911, dans cette région baignée de soleil qui borde l’Adriatique, une « Mama », Maria Teresa Benelli, mitonne l’avenir de ses enfants.
Il y a Giuseppe, Giovanni, Francesco, Filippo, Domenico et Antonio dit « Tonino ».
Pour eux, elle souhaite un avenir serein et pour cela, elle va, avec les économies de la famille, fonder un garage.
Une officina comme il y en aura tant en Italie, consacrés à la réparation de ces nouveaux moyens de locomotion qui se développent si vite, les motocyclettes et les automobiles.
Stand Benelli au salon 1921 de Milan.
Au salon 1921 de Milan, le Vélomotore tient la place d’honneur sur un stand à la décoration très art déco.
Dans la péninsule au début du 20 ème siècle, les pièces détachées sont difficiles à obtenir, les fabriques spécialisées et les réseaux de distribution en sont encore à leurs balbutiements.
Dans le garage « Benelli », on ne manque ni de ressources ni d’idées, une forge, quelques machines outils et l’on fabrique ces pièces qui dépannent le client et permettent à l’officina d’acquérir rapidement une certaine notoriété.
Les frères Benelli et l’évolution des logos tout au long de l’histoire de la marque.
Cette situation, appuyée sur le « génie mécanique » génétiquement présent chez tout italien qui se respecte va vite dériver.
Nous sommes en 1920 et Benelli produit son premier moteur, un 75 cm³ qui s’adapte sur un cadre de bicyclette.
Il faudra attendre 1921 pour voir apparaitre la première moto intégralement construite par la famille Benelli.
Le vélomotore
Le « Vélomotore » sera présenté au Salon de Milan.
Ce petit deux temps léger de 98 centimètres cubes logé dans un cadre entre tubes dans lequel repose un long réservoir filiforme a déjà beaucoup d’allure.
Initialement équipé d’une boite à vitesse à deux rapports associée à une transmission par chaine il va vite évoluer et prendre un peu d’embonpoint en devenant « Sport et Tourisme » avec une cylindrée qui va passer à 125, 147 puis 175 centimètres cubes.
1925 Tonino Benelli au guidon de la 147 Sport.
Ce modèle, aux mains de Tonio, va s’illustrer en course et deviendra champion d’Italie en 1927, 1928, 1930 et 1931.
- 1931 Grand Prix de Rome. Le pilote est Tonino Benelli, le personnage en pantalon de golf est son frère Giovanni. Toujours l’esprit de « clan »
- Nous sommes en 1935. Raffaele Alberti vient de conquérir cinq records du monde avec la 250.
La marque de Pesaro va vite prendre de l’importance.
1935 GP de Tripoli Raffaele Alberti (500 bialbero)
En 1935, le catalogue général est le reflet d’une marque en bonne santé.
Deux cylindrées sont proposées à l’acheteur : 250 et 500.
- 1939 : La 250 4tn e (e pour elastico) La suspension arrière a fait son apparition. Elle est coulissante et freinée par des amortisseurs à compas
- Le dessin de couverture du catalogue général 1935 reflète l’impression de puissance voulue par le dessinateur.
- La 250 4tn r (r pour rigide)
Leur caractéristique commune, une distribution par arbre à cames en tête les positionnent d’entrée dans la catégorie des motos racées, italiennes jusqu’au bout de leur monocylindre.
Vue générale de l’usine en 1937. On remarque la présence d’une piste d’essai.
Le quart de litre, décliné en tourisme ou sport affiche un rapport alésage course de un (65 x 65), rare à une époque où la tendance va plus vers les longues courses que vers les moteurs carrés.
La 500, plus conventionnelle affiche 85 x 87.
Les deux cylindrées seront déclinées en « tourisme » et en « sport », la 500 sport équipée d’une boite à quatre rapport et sélecteur au pied affichera 140 km / h.
- Les 500 cc au catalogue 1937. Le modèle Super Sport possède des pots d’échappement relevés. Le sélecteur est au pied.
- Un side-car est proposé en option sur les 500.
Le side est attelé à gauche, cette pratique était courante même dans les pays ou la circulation s’effectuait du côté droit de la chaussée.
- Quelques rappel du palmarès sportif des motos Benelli
- Finition et stockage des moteurs avant montage.
Nous sommes en Italie et, comme chez le concurrent Guzzi, un « motofurgone » complètera la gamme dans les deux cylindrées.
Ce trois roues, équipé d’une plateforme, d’une caisse bâchée et parfois d’un poste de pilotage fermé sera bien sur mu par le moteur à arbre à cames en tête.
- 1938 l’armée italienne, équipée de « Motofurgone Benelli » parade devant Mussolini
- Triporteur Benelli de la collection de Colin Debuchy
Le sport sera toujours au rendez-vous avec Benelli. Avec Tonino Benelli, (on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même), qui remportera le Grand Prix de Rome en 1931, avec Raffaele Alberti qui mènera souvent à la victoire les 250 et 500 bialbéro, la firme de Pesaro va s’illustrer sur tous les circuits.
- Dario Ambrosini Champion du monde 1950 sur 250 Benelli
Du Grand Prix des Nations 1927 à la Targa Florio (1931/32/33) en passant par les principaux Grands Prix Européens et les records mondiaux (Km et Mile lancé), Benelli va se couvrir de lauriers jusqu’aux premières heures du 2ème conflit mondial.
- Magnifique restauration de Benelli photographiée à Malaucène pour la montée du Ventoux 2011.
Après la fin des hostilités, qui ont vu la destruction complète des usines, il faut se remettre au travail.
Le contexte n’est plus aux machines sportives et c’est quelques modèles d’avant-guerre et surtout le Leoncino 125 qui vont remettre la firme sur roues et faire renaître l’entreprise, aussi bien sur le plan commercial que sportif.
- 1951: L’exubérance n’est plus au rendez-vous. La guerre et passé par là. La petite Léoncino va participer à la reconstruction italienne.
En 1949, un accroc viendra perturber la sérénité de la famille Benelli.
Guiseppe se fâche avec ses frères et fonde la marque Motobi qui va produire des motocyclettes deux temps ou quatre temps dont la cylindrée n’excédera pas 250 cc.
Une Motobi se reconnaitra au premier coup d’œil par son moteur de forme résolument ovoïde.
En 1962, suite au décès de Giuseppe, Benelli rachètera Motobi.
125 Motobi à la bourse de Toulouse en 2012
Si les modèles de production sont raisonnables, la course, dès 1940 continue à tarauder les gens de la Benelli qui vont présenter une spectaculaire 250 cc quatre cylindres à compresseur et refroidissement liquide.
53 ch à 10 000 tr/mn, 230 Km/h !
250 Benelli 4 cylindres à compresseur.
Le contexte économique de l’Italie d’après-guerre et l’interdiction du compresseur tuent le projet mais, en juin 1960, vingt ans plus tard, la firme de Pesaro va présenter une nouvelle 250 cc qui brillera sur le Continental Circus avec Renzo Pasolini et Kel Carruthers.
Ce dernier remportera le titre mondial en 1969 au guidon de cette moto dont les caractéristiques laissent rêveurs :
4 cylindres en ligne refroidis par air. 247 cm³ (44×40,6 mm). 55 ch à 15 000 tr/mn.
2 ACT commandés par engrenages, 8 soupapes. 4 carbus Dell’Orto Ø 24. Boîte 7 rapports.
245 km/h pour seulement 116 kg.
Joan Segura se souvient aussi de Tarquinio Provini !
Provini, pilote italien qu’il ne faut pas oublier et qui a gagné de nombreuses courses avec la Benelli 4.
Provini courrait face à de grands pilotes qui étaient en course en ce temps là.
Les équipes japonaises étaient encore présentes sur les grand prix : Les officiels Honda, Hailwood et Redman et pour Yamaha Read et Ivy.
Des sacrés pilotes et des usines que n’auront pas à affronter Renzo Pasolini et Kel Carruthers !
Sur la photo ci-dessus on voit Provini et ses Benelli qui était équipées de frein à disques mécaniques ce qui était une curiosité encore inconnue.
Joan Segura avait photographié Tarquinio à Montjuic et il se souvient combien il était impressionnant à voir passer.
En 1969 : la Tornado 650
Prototype de la Benelli Tornado (1969)
La machine est encore à l’état d’ébauche mais les caractéristiques générales du modèle de série sont déjà là.
En 1969, Benelli présente la Tornado 650. Ce beau vertical twin ne ressemblait à aucun autre.
Une rasade de Chianti sur un vertical twin ! Westminster revu par le Vatican … Un rapport alésage course ahurissant de 84 x 58 !
Ce cocktail va accoucher d’une moto vive et maniable, au comportement pétillant mais dont les montées en régime du moteur supercarré et, il est vrai, les quelques vibrations vont dérouter les amateurs du genre.
La 650 Tornado S en 1974. Une touche d’anglicisme autour d’un vertcal twin bien latin.
La Tornado sera diffusée de façon confidentielle auprès d’un public d’amateurs conscients des réelles qualités de cette moto.
Elle servira de tremplin vers une autre révolution, le rachat de Benelli en grande difficulté par l’industriel Argentin Alejandro de Tomaso.
- En 1974, le catalogue BENELLI les 125 et 250 2 Cylindres 2 temps seront également vendue sous la marque Moto Guzzi.
- La 250 Benelli / Guzzi sera un produit phare du groupe De Tomaso
Nous sommes au début des années soixante-dix. De Tomaso insuffle un vent nouveau en rationalisant la production.
Inspiré par le succès (et les … caractéristiques techniques) des Honda four, il crée la 500 quattro, bientôt suivie de la 750 six cylindres.
Et de la curieuse 254 qui sera la plus petite « 4 pattes » commercialisée en série.
Benelli 254 Quatro.
Si vous trouvez une de ces raretés, ne la laissez pas passer, la 254 Quatro est un modèle très attachant.
La 750 Sei, redessinée, sera réalésée à 900 cc.
Anniversaire Benelli : grande concentration de sei et quatro.
Bien que techniquement bien placées les Benelli des années 80 sont en proie à de sérieux problèmes commerciaux.
Ils seront à l’origine de la quasi disparition de la marque en 1988 quand la fusion se fait avec Moto Guzzi pour créer le « Guzzi Benelli Moto SA ».
Benelli 750 Sei.
Alejandro de Tomaso, en parallèle au rachat de Benelli avait jeté son dévolu sur Moto Guzzi.
Plusieurs modèles sortiront sous les deux dénominations.
Une 125 et une 250 bicylindre deux-temps connaitrons un succès notable et seront importées en France sous le giron de Motobécane.
Carole Noblet sur le rallye Abidjan Nice, l’ancêtre du Paris Dakar.
Une 250 2C participera même au premier Abidjan – Nice avec Carole Noblet à son guidon.
Dans la lignée de la 125, la 250 Benelli / Guzzi sera un produit phare du groupe De Tomaso
Carole Noblet sur 250 Guzzi et Mr Carlos, un champion musclé du Sénégal.
Les usines de Pesaro, peu productives sont alors vendues.
La marque va disparaitre au début des années 1990.
Il faudra attendre 1995 et le rachat du nom par Andréa Merloni pour revoir des Benelli.
Eric Martin Lanza sur une « Benelli new style » au Tour de France Motocycliste.
Pour relancer la marque, les dirigeants choisissent un nom marquant dans l’histoire de Benelli :
La Tornado « new style » voit le jour, mais c’est désormais une super sportive de 900 cm³.
Aujourd’hui, Benelli fait partie du groupe chinois Qianjiang.
Ceux-ci, respectant la tradition continuent à faire fabriquer les motos Benelli à Pesaro, terre d’origine de la marque.
Benelli ! Comme un coup de canon !
Benelli conçoit et assemble des motos, mais c’est aussi est un fabricant d’armes à feu italien bien connu pour la haute qualité de ses fusils semi-automatiques et à répétition,
La division Benelli Armi a été fondée en 1967 comme une branche de l’usine Benelli Moto.
Les armes de Pesaro ont été utilisées aussi bien par l’armée, la police et les tireurs civils à travers le monde.
Le Benelli M3 de calibre 12 est particulièrement célèbre grâce à son utilisation par les forces spéciales américaines.
La division Benelli Armi a été acquise par Beretta en 1983.
Pesaro 2011 : Benelli a 100 ans
Dans la douceur de cette soirée du 18 septembre 2011, la ville de Pesaro résonne d’une bien étrange activité.
Sur la longue ligne droite ou s’achève l’avenue San Bartolo, deux files de motos s’étirent jusqu’à l’horizon.
Rassemblement pour les 100 ans de Benelli à Pesaro
Encadrées par des groupes de tifosis dont les conversations se rythment de gestes volubiles, comme pour affirmer une opinion ou un avis, elles sont majoritairement griffées du lion Benelli ou des lauriers de la marque sœur Motobi.
Soudain, les conversations retombent, les regards se tournent, attirés par le rayonnement bleu des gyrophares des … Benelli de la gendarmerie locale.
La police municipale de Pesaro roule sur des motos « maison »
Une musique, une … symphonie monte crescendo dans l’air du soir tandis que défilent, juste sorties du musée, les motos de grand prix de la marque. Grondement de monocylindres ou feulements rageur des quatre cylindres en ligne, un oratorio qui marque d’un point d’orgue la fin des trois journées organisées à l’occasion du centenaire de la firme.
- Anniversaire Benellii, une ville envahie par les motos Benelli ou Motobi. Elles étaient toutes là même autour des ronds points !
Expositions, conférences, visite de musée, sorties libres ou organisées dans la campagne italienne et bien sûr bonne chère seront au programme de ce centenaire.
De nombreux visiteurs sont venus d’horizons géographiques différents avec une forte présence française.
Parmi nos compatriotes, notons la présence de Claude Jeunesse et Stéphane Noblet, tous deux acteurs de l’aventure Motobécane à l’époque ou la firme de Pantin importait dans notre pays les modèles Benelli et Guzzi.
Depuis le Sud de la France deux courageux, Jean Paul Ecombat, auteur des photos qui illustrent cet évènement et un de ses amis sont venus au guidon d’une 750 Sei et d’une Tornado. Vieux motards que jamais, ni les kilomètres, ni le passage des Alpes par le Col du Grand St Bernard ne leur fera peur.
- Anniversaire Benelli : les ouvrier posent pour la postérité.
Comme pour toucher du doigt la modernité, et retomber dans la réalité de la moto de ce début de siècle, une visite d’usine, celle d’où sortent les Benelli contemporaines est inscrite au programme.
- Les usines Benelli aujourd’hui
Robotisation, lignes automatiques, convoyeurs mais toujours une présence humaine, celle d’ouvriers monteurs, de contrôleurs et d’essayeurs pour des motos au look torturé comme le demande la clientèle contemporaine.
Visitons ensemble l’usine Benelli…
De nombreux sous ensemble sont fabriqués en Chine.
Chaine de montage de Pesaro
La conception et le montage final restent à Pesaro.
De quoi justifier le … « made in Italie »
Benelli BN 251
La nouvelle petite Benelli BN 251 possède un mono cylindre à refroidissement liquide, 4 temps DOHC Benelli développant 25 ch (18,5 kW) à 9000 rpm et 21,5 Nm (2,2 kgm) @ 7500 rpm intégré au châssis tréteaux en acier qui ajoute à la rigidité du châssis.
En renaissant sino-italienne, l’officina de la fratelli Benelli n’a pas perdu son âme.