La Terrot Racing 175 R 2022 de Kerlaugé
La construction de cette machine est avant tout une histoire d’amitié, de rencontres et de passion pour ces motos qui ont illuminé notre jeunesse et nos rêves.
Tout avait commencé il y a fort longtemps lorsque j’avais acheté ma première moto qui a donné le nom à ce blog.
Jean Paul Augé et moi, nous avions tout juste le permis.
Avec mes piètres notions de mécaniques j’avais rapidement transformé ma Terrot Ténor en moto … qui évoquait vaguement la course.
Ensuite Jean Paul a acheté une 175 Terrot Rallye. Sur les routes des Corbières nous roulions en nous imaginant être au Tourist Trophy.
Après avoir laissée nos motos 30 ans au garage beaucoup de temps était passé lorsque Jean Paul m’a suggéré de restaurer ma Ténor.Puis il s’est attaqué à la sienne.
Entre temps nous avions rencontré Thierry Philippon et ses merveilleuses Terrot, Ténor et Rallye.
Jean Paul a eu alors l’envie de transformer à son tour la sienne en la machine de courses dont nous avions rêvé il y a … dans les cinquante ans …
Jean Paul ayant parlé de son intention avec Yves Kerlo, ce dernier qui était entre autres un admirateur des frères Nougier, c’est pris de passion pour ce projet.
Quant on connaît l’extraordinaire travail de préparation et restauration de Kerlo … et sur des machines prestigieuses, c’est épatant qu’il trouvât finalement amusante cette idée.
Dès lors, tous deux ont imaginé cette nouvelle évolution de la Rallye qui vient donc d’entrer dans la famille des Terrot déjà développées par notre ami Thierry Philippon.
Par ces précieux conseils, ce dernier s’est bien occupé de la partie moteur qui est passé à 186 cc en suivant ses recettes. (Voir précédents articles dans ce blog)
Mais je laisse Jean-Paul nous raconter :
Je suis arrivé chez Yves avec le cadre, son bras oscillant, la fourche et les « boites à roulement » pour les monter sur la colonne de direction, le moteur « vide (= carters + cylindre + culasse + couvre-culbu), le carbu (pour son encombrement), le tube d’échappement (idem), et le fameux petit réservoir que j’ai trouvé chez Zubikes à Fuveau qui importe des copies chinoises de pièces et une Honda inspirée d’une CR 110 dont provient ce réservoir.
Le temps d’installer le cadre sur le marbre, et en avant la disqueuse.
Yves a coupé tout ce qui est inutile, jusqu’à la partie arrière dont on a dit qu’on la referait complètement.
Puis on a installé les carters en place, avec cylindre, culasse et couvre culbu, et on a accroché le carbu pour voir ce que ça donnait, et tant qu’à y être, idem pour le pot, et finalement le réservoir.
Et là, Yves s’est arrêté un instant pour regarder le tout, et dire :
« Ah oui ! Quand-même… ça va avoir une sacrée gueule ! ».
On voit donc que ça avance vite et dans le bon sens, et en plus on est totalement en phase sur l’objectif et les choix, c’est un vrai bonheur !
Ce matin, ça avait commencé par un petit moment de production de jus de cervelle, au cours de laquelle il est apparu que les choses seraient moins simples qu’on ne l’avait imaginé au départ.
Et à chaque étape de la cogitation, il y avait encore un morceau de l’ancien cadre qui se trouvait condamné à disparaître, et cela malgré la volonté constamment réaffirmée de se maintenir au plus près du cadre d’origine, sauf qu’il n’y avait pas vraiment de solution valable pour respecter cette condition.
Et donc on a coupé, coupé, et recoupé. Mais on a mis certains morceaux de côté pour les réutiliser.
« Taille de guêpe » des tubes supérieurs, pour respecter la largeur du réservoir, mais retrouver ensuite la largeur voulue pour l’assise du pilote.
Et puis on avait commencé par prendre certains repères, comme la position de l’axe du bras oscillant.
Ensuite on est tombé d’accord sur la façon d’obtenir le bon alignement général.
Tout un petit travail au terme duquel on a pu commencer à couper du tube neuf et à le cintrer.
Au fur et à mesure, on discute du résultat obtenu, et on essaye de se poser un maximum de question, quitte à dire que c’est bien d’y avoir pensé, mais qu’il n’y a pas de raison de s’interroger davantage.
Et petit bout par petit bout, on est donc en train de reconstruire le cadre.
Chouette boulot où chacun met son grain de sel, lui avec toute son expérience, et son savoir-faire, et moi avec mes connaissances théoriques et quand même pas mal de simple bon sens.
Et on n’a aucune peine à tomber d’accord. Kerlo est vraiment une « pointure »
On gardait les fixations avant et arrière, les berceaux entre les deux, et le tube supérieur.
Et sur cette base, Yves proposait donc un tube qui partait du berceau inférieur et remontait vers l’ancrage de l’amortisseur arrière (idem de l’autre côté, bien sûr), puis un tube qui partait de l’axe du BO (bras oscillant), montait sous le réservoir et rejoignait la colonne de direction.
Et enfin un tube horizontal sous le réservoir, prolongé lui aussi vers l’ancrage du bras oscillant et supportant la selle.
Problème : le raccordement au berceau inférieur et le contournement du BO obligeaient à « décaler » latéralement le nouveau tube ce qui n’était pas satisfaisant et était un peu inesthétique, non ?
On note au passage la belle allure du réservoir, avec l’empreinte pour la sangle classique, ainsi que sa faible largeur au niveau des genoux du pilote.
Solution : « et si on coupait ? Oui, mais quoi ? Et comment ? Et après ? » Et là, ça a duré un bon moment, car c’est là qu’on a bien été obligé de commencer par prendre des repères.
Première chose : Yves a fixé un long fer plat sur le plan de joint du demi-carter gauche.
Le fer plat étant sans déformation visible ou mesurable, il matérialisait dès lors très convenablement l’orientation de l’alignement général de la machine.
La suite a consisté à enfiler une broche rectifiée dans le tube qui reçoit normalement l’axe du bras oscillant et à préparer deux cornières destinées à être elles aussi traversées par cette broche, et ensuite être pointées sur le marbre.
Une cote caractéristique du positionnement longitudinal de l’axe du BO par rapport à celui de la colonne de direction a été relevée, et notée… sur le marbre, pardi !
Le moteur a été déposé et mis en lieu sûr : dans la poubelle !
Puis ré-alignement de l’ensemble grâce au fer plat, et positionnement des équerres supportant la broche matérialisant le futur axe géométrique du BO.
Nombreuses mesures, et contre-mesures pour qu’il n’y ait plus de doute sur le bon résultat.
Et enfin, pointage des équerres sur le marbre
Yves avait aussi positionné et bloqué sur le marbre un portique destiné à servir de référence géométrique pour l’alignement de la partie arrière.
Là aussi, bonne séance de calage… Rustique sans doute, mais efficace et suffisamment précis.
Les équerres qu’on voit ici et là ne sont pas là pour faire joli, mais sont constamment utilisées pour contrôler toutes les étapes du travail.
D’ailleurs comme on le voit sur la photo il y en une en place tout au bout du fer plat pour garantir le bon alignement pendant la mise en place des deux premier tubes.
Le fameux tube de l’axe de la pédale de frein ayant été conservé, il se retrouve promu au rang de simple entretoise
Du coup, ses extrémités sont « découpées » en « gueule de loup » pour être soudées sur les berceaux.
Fin du chantier, et rangement du marbre (monté sur roulettes).
Mais pour le plaisir de l’œil, présentation d’une selle monoplace prélevée sur la OSSA SPQ de Yves.
Pas mal, mais un poil volumineuse et dessin à améliorer. Mais ça permet d’avoir une base de réflexion.
Donc la configuration est pratiquement figée, et on ne devrait plus en dévier.
Elle offre une bonne simplicité de réalisation, et n’a rien d’anachronique par rapport aux solutions utilisées à l’époque = Padovani aurait pu le faire.
Et Nougier aussi d’ailleurs si on regarde la 125 de Crivello ou la 250 de Kaci en 1971/72
Tout sera en tube étiré sans soudure de diamètre 25mm, comme les berceaux.
Et d’abord une photo de l’envers du réservoir : comme on le voit le « tunnel » est assez large près de la colonne de direction, mais se rétrécit beaucoup vers l’arrière au point de ne plus pouvoir accueillir le tube supérieur du cadre.
D’où le recours à la disqueuse.
Les deux berceaux vus de l’arrière, positionnés sur le portique du marbre
Séance de cintrage. Les pieds de la cintreuse sont boulonnés au sol. Rien qu’avec du tube de 25mm, c’est plutôt musclé (bras de levier de plus 1m70) mais ça marche encore.
Qu’en serait-il avec des diamètres supérieurs ?
Pointage des tubes en place ; à la brasure, car facile à défaire si besoin.
La cintreuse. Ce n’est pas une machine bricolée, mais un vieil instrument autrefois vendus aux ferronniers.
Après pointage, on a vérifié que la culasse sortait sans difficulté.
L’arrière de la fixation moteur avec ce qu’on a gardé de l’ancien cadre à ce niveau. Le tube d’axe de la pédale de frein sert désormais d’entretoise, pas plus.
D’une façon générale, tous les tubes apparaissent brillants, car après avoir été coupés, et avant d’être cintrés, ils ont tous droit à un petit coup express de toile émeri sur le tour.
Ce n’est pas un procédé très académique, mais exécuté par un opérateur expérimenté et conscient des risques encourus, donc prudent, ça va très bien.
Préparation des tubes supérieurs, dans le prolongement du premier tronçon, pour suivre la ligne du réservoir, et en allant s’appuyer sur l’extrémité supérieure des deux berceaux, ou aboutiront aussi les amortisseurs.
On a donc arrêté les frais, et on a remis le moteur en place avec le tube d’échappement et le carbu, ce qui a donné l’occasion de voir comment on pourrait positionner la cuve d’icelui.
Au total, on est quand même assez contents d’arriver à obtenir un truc qui soit visuellement très compact.
Il faut dessiner le détail du montage du bras oscillant.
On a opté pour des bagues bronzes conformément au style de l’époque
Le fait de travailler avec quelqu’un d’expérimenté comme Yves est un énorme avantage, car outre le savoir-faire, il a la vision globale qui lui permet d’anticiper.
Le réservoir d’huile a du être recréé avec le classique bouchon transparent qui ne vient plus sur le côté mais qui est entre la selle et le réservoir d’essence dans une position très anglaise.
Le carbu et sa cuve prennent leur place derrière le réservoir d’huile entre deux tubes du cadre.
Un filtre à essence entre carbu et le bidon et aussi un filtre à huile entre le réservoir d’huile et le moteur.
Sacha Lakic, fameux designer moto de passage chez son ami Kerlo a beaucoup aimé la Terrot 175R.
Le travail a bien avancé et il reste un passage à la peinture.
Le moteur reconstruit suivant les préconisations et recherches de Thierry Philippon est tout à fait en harmonie avec la partie cycle.
Sur cette machine tout est conçu dans une échelle très juste et équilibrée.
Toutefois Yves Kerlo aurait aimé aller plus loin, quitte à s’éloigner de la machine et de l’époque d’origine pour obtenir un engin beaucoup plus contemporain.
De toute façon l’ensemble donne une incroyable impression de puissance !
Probablement celle là qui aurait pu rivaliser avec les fameuses Morini, grandes rivales de l’époque.
Et voilà le travail ! La Terrot est terminée reste encore de la faire tourner pour une fine mise au point.
La selle grise avec un fileret rouge fait tout à fait référence à celle des Rallyes de l’époque d’Edmond Padovani, tout comme la couleur bleu choisie pour cette œuvre d’art.
En piste ! Il ne manque que le compte tours maisYves Kerlo a été surpris à pleine vitesse, en limande et sans casque… dans son jardin !
Sur le côté gauche du moteur une prise pour le compte tour a été fabriquée et intégrée au carter.
Tandis que de l’autre côté Yves montre l’installation du câble d’embrayage qui passait sous le moteur et qui vient maintenant en haut.
Une série d’aérations ont été fabriquées à divers endroits comme sur le carter gauche, les freins ou le cache derrière lequel se trouve le carburateur.
Le frein Grimeca est équipé de belles ouïes d’aération.
Jean Paul et sa belle machine qui aurait pu exister si Terrot n’avait pas lamentablement fermé en 1959, absorbée par Peugeot.
L’histoire de cette 175 Terrot mériterait tout un livre car je ne peux ici donner tous les détails de cette transformation, re-création !
Une bien belle moto en conclusion d’une belle histoire qui concrétise de nos rêves de jeunesse.
Bravo les amis ! Je veux la même !!!
Depuis quelque temps »Unblog », qui héberge mon blog, a changé le contrat que j’avais passé pour ne pas avoir de publicités.
Bien entendu ils me demandent de payer encore plus, pour à nouveaux ne plus avoir de ces horribles pub qui envahissent les écran.
Cette pratique commerciale me semble douteuse et bien décevante.
Depuis plus de 10 ans j’ai payé un abonnement pour ce blog qui me revient trop cher.
Je ne suis pas sûr de continuer dans ces conditions merdiques.